Rapports économiques et sociaux
De l’adaptabilité à la vulnérabilité : les changements dans les critères d’admissibilité et la participation des réfugiés au régime d’aide sociale

Date de diffusion : le 23 mars 2022

DOI: https://doi.org/10.25318/36280001202200300002-fra

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La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) de 2002 a remplacé la Loi sur l’immigration de 1976 comme principale loi régissant l’immigration au Canada. Elle a marqué un changement majeur dans la politique d’admission des réfugiés réinstallés, en mettant l’accent sur la vulnérabilité plutôt que sur l’adaptabilité. Avant l’entrée en vigueur de la LIPR, les personnes qui obtenaient le statut de réfugié devaient démontrer leur capacité d’indépendance économique pour vivre au Canada. Cela devait normalement arriver au cours de l’année suivant leur arrivée et tenait compte de l’âge, du niveau de scolarité, des compétences, de la présence de membres de la famille et d’autres facteurs. La LIPR a modifié considérablement les priorités du Canada en matière de réfugiés en s’engageant à admettre les personnes pour des raisons humanitaires et en accordant la priorité à celles qui ont besoin de protection (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, 2016; Lu et coll., 2020).

Les modifications apportées à la politique de sélection ont eu une incidence particulière sur les caractéristiques des réfugiés pris en charge par le gouvernement (RPG). Par exemple, avant l’entrée en vigueur de la LIPR (de 1997 à 2001), 53 % des RPG nouvellement admis ne détenaient pas de diplôme d’études secondaires. Toutefois, ce pourcentage a augmenté pour atteindre 74 % des RPG qui sont arrivés après l’entrée en vigueur de la LIPR (de 2005 à 2009). La part des RPG monoparentaux a également augmenté, passant de 6 % pour la cohorte précédant l’adoption de la LIPR à 12 % pour la cohorte arrivée après l’entrée en vigueur de la LIPR. En raison de ces changements, les réfugiés admis après l’entrée en vigueur de la LIPR peuvent être plus enclins à avoir recours à l’aide sociale que ceux arrivés avant la LIPR. Cela est moins probable pour les réfugiés du Programme de parrainage privé de réfugiés (PPPR), qui sont plus susceptibles d’avoir une famille ou des amis installés au Canada et qui sont donc mieux placés pour trouver un emploi grâce à leurs parrains ou à leurs réseaux familiaux.

Un article récent publié dans International Migration compare le recours à long terme à l’aide sociale parmi les réfugiés réinstallés qui sont arrivés quand ils étaient régis par les directives antérieures à la LIPR (1997-2001), pendant la période de transition (2002-2004) et après l’entrée en vigueur de la LIPR (2005-2009). Les auteurs Lisa Kaida (Université McMaster), Max Stick (Université McMaster et Statistique Canada) et Feng Hou (Statistique Canada) ont utilisé la Base de données longitudinales sur l’immigration pour déterminer si les réfugiés réinstallés qui sont arrivés après l’entrée en vigueur de la LIPR étaient plus susceptibles d’avoir recours à l’aide sociale que ceux des cohortes précédentes. L’analyse a examiné les RPG âgés de 20 à 54 ans à leur arrivée. Les taux d’aide sociale parmi les réfugiés issus du PPPR ont également été calculés aux fins de comparaison.

Le graphique 1 présente les taux d’aide sociale chez les réfugiés réinstallés (RPG et PPPR) admis pendant les trois périodes. Le taux d’aide sociale est défini comme le pourcentage de réfugiés dont la famille a touché un revenu de l’aide sociale au cours d’une année d’imposition donnée. Les résultats montrent que, deux ans après l’arrivée, au cours de la période de transition (71 %) et après l’entrée en vigueur de la LIPR (72 %), les RPG ont reçu de l’aide sociale à des taux plus élevés que les RPG arrivés avant l’entrée en vigueur de la LIPR (66 %). Contrairement aux RPG, les réfugiés issus du PPPR arrivés avant l’entrée en vigueur de la LIPR affichaient des taux d’aide sociale plus élevés (33 %) que ceux arrivés pendant la période de transition (30 %) et après l’entrée en vigueur de la LIPR (28 %), au cours de leur deuxième année.

Graphique 1 Taux d’aide sociale parmi les réfugiés pris en charge par le gouvernement et les réfugiés parrainés par le secteur privé, par cohorte d’arrivée et années écoulées depuis l’immigration

Tableau de données du graphique 1 
Tableau de données du Graphique 1
Sommaire du tableau
Le tableau montre les résultats de Tableau de données du Graphique 1. Les données sont présentées selon Cohorte d'arrivée (titres de rangée) et Années depuis l’immigration, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 10, calculées selon pourcentage recevant du revenu provenant de l'aide sociale unités de mesure (figurant comme en-tête de colonne).
Cohorte d'arrivée Années depuis l’immigration
2 3 4 5 6 7 8 9 10
pourcentage recevant du revenu provenant de l'aide sociale
Cohorte de 1997 à 2001 (RPG) 66,2 50,0 39,6 33,5 29,6 27,5 25,9 25,7 25,3
Cohorte de 2002 à 2004 (RPG) 70,8 58,4 50,2 44,6 42,1 40,9 39,4 37,1 35,0
Cohorte de 2005 à 2009 (RPG) 71,7 63,0 55,9 49,9 45,0 41,6 39,3 36,3 35,2
Cohorte de 1997 à 2001 (PPPR) 32,9 31,2 27,4 24,9 23,2 21,5 21,7 21,9 22,0
Cohorte de 2002 à 2004 (PPPR) 29,9 28,3 26,6 24,3 24,5 24,3 23,3 23,4 23,3
Cohorte de 2005 à 2009 (PPPR) 28,2 28,7 27,8 26,4 24,9 24,1 23,2 22,5 22,6

Bien que les taux d’aide sociale versée aux RPG aient diminué chaque année après leur arrivée, les taux pour les RPG arrivés pendant la période de transition et ceux arrivés après l’entrée en vigueur la LIPR ont diminué plus lentement que ceux de la cohorte arrivée avant l’entrée en vigueur de la LIPR. L’écart dans les taux d’aide sociale versée aux RPG arrivés avant la LIPR et ceux arrivés pendant la période de transition continue de s’élargir jusqu’à la huitième année (14 points de pourcentage). L’écart entre les cohortes arrivées avant l’entrée en vigueur de la LIPR et celles arrivées après a atteint un sommet au cours de la cinquième année (16 points de pourcentage).

Après la huitième année (pour la cohorte de la période de transition) et après la cinquième année (pour la cohorte arrivée après l’entrée en vigueur de la LIPR), l’écart dans les taux d’aide sociale versée s’est rétréci entre ces cohortes d’une part, et la cohorte arrivée avant l’entrée en vigueur de la LIPR d’autre part. À la dixième année, l’écart entre les taux d’aide sociale de la cohorte arrivée avant l’entrée en vigueur de la LIPR et des deux autres cohortes était inférieur à 10 points de pourcentage. Les caractéristiques du marché du travail des RPG de la période de transition et des RPG arrivés après l’entrée en vigueur de la LIPR, en particulier leurs taux d’emploi plus faibles par rapport aux RPG arrivés avant l’entrée en vigueur de la LIPR, expliquent en grande partie les différences dans les taux d’aide sociale versée.

Les taux d’aide sociale des cohortes issues du PPPR ont diminué lentement jusqu’aux années 5 et 6, puis ils ont oscillé autour de 20 % à 25 % jusqu’à l’année 10. L’écart entre les taux d’aide sociale des réfugiés du PPPR arrivés avant l’entrée en vigueur de la LIPR et de ceux arrivés pendant la période de transition et après l’entrée en vigueur de la LIPR est demeuré faible entre les années 3 à 10.

Les résultats indiquent que les RPG qui sont arrivés après l’entrée en vigueur de la LIPR ont pris plus de temps pour s’intégrer au marché du travail canadien et devenir économiquement indépendants que ceux qui étaient arrivés avant l’entrée en vigueur de la LIPR. Toutefois, les RPG arrivés pendant la période de transition et ceux arrivés après l’entrée en vigueur de la LIPR ont commencé à réduire l’écart avec leurs homologues de la période précédant l’entrée en vigueur de la LIPR, cinq à huit ans après leur arrivée. À la dixième année, leur taux d’aide sociale avait diminué pour s’établir à 35 %.

Le document complet, intitulé « Changes in selection policy and refugee welfare use in Canada », peut être consulté à l’adresse suivante : https://doi.org/10.1111/imig.12930 (en anglais seulement).

Auteurs

Lisa Kaida travaille au département de sociologie à l'Université McMaster. Max Stick et Feng Hou travaillent à la Division de l’analyse sociale et de la modélisation, au sein de la Direction des études analytiques et de la modélisation de Statistique Canada.

Bibliographie

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. (2016). Évaluation des programmes de réinstallation (Programme des RPG, PPPR, Programme mixte des RDBV et PAR), Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.

KAIDA, Lisa, STICK, Max, et HOU, Feng (2021). Changes in selection policy and refugee welfare use in Canada. International Migration, 1–22. 

LU, Yuqian, GURE, Yasmin, et FRENETTE, Marc (2020). L’intégration à long terme sur le marché du travail des revendicateurs du statut de réfugié qui sont devenus résidents permanents au Canada. (Direction des études analytiques : documents de recherche no 455). Statistique Canada.

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