Recherche quantitative originale – Disparités sociales dans la consommation d’alcool chez les jeunes adultes canadiens

Revue PSPMC

Page précedente | Table des matières |

Stephanie Sersli, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 2; Thierry Gagné, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 3Note de rattachement des auteurs 4Note de rattachement des auteurs 5; Martine Shareck, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 2

https://doi.org/10.24095/hpcdp.43.12.02f

Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.

Rattachement des auteurs
Correspondance

Martine Shareck, Faculté de médecine et des sciences de la santé, Département des sciences de la santé communautaire, Université de Sherbrooke, 3001, 12e Avenue Nord, Sherbrooke (Québec) J1H 5N4; courriel : martine.shareck@usherbrooke.ca

Citation proposée

Sersli S, Gagné T, Shareck M. Disparités sociales dans la consommation d’alcool chez les jeunes adultes canadiens. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2023;43(12):559-572. https://doi.org/10.24095/hpcdp.43.12.02f

Résumé

Introduction. La consommation d’alcool chez les jeunes adultes est une priorité de santé publique, mais les connaissances en lien avec les indicateurs de statut socioéconomique (SSE) et la consommation d’alcool chez les jeunes adultes (de 18 à 29 ans) reposent principalement sur des échantillons de niveau collégial, des populations à la fin de l’adolescence et au début de la vingtaine et des données non canadiennes. Nous avons comparé l’association de trois indicateurs de SSE avec une forte consommation épisodique d’alcool mensuelle, une forte consommation épisodique d’alcool moins d’une fois par mois, l’absence de forte consommation épisodique d’alcool et la non-consommation d’alcool chez les jeunes adultes canadiens.

Méthodologie. Nous avons regroupé les vagues de 2015 à 2019 de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes pour inclure les participants de 18 à 29 ans (n = 29 598). À l’aide d’une régression multinomiale, nous avons calculé des estimations pondérées de la consommation d’alcool selon le niveau de scolarité, le revenu du ménage et la défavorisation matérielle du quartier, en ajustant pour des rôles d’adulte et des caractéristiques sociodémographiques.

Résultats. Environ 30 % des jeunes adultes se sont livrés à une forte consommation épisodique d’alcool mensuelle, tandis que 16 % n’ont pas consommé d’alcool du tout au cours de la dernière année. Comparativement aux jeunes adultes dont le revenu du ménage était parmi les plus faibles, le fait de se situer dans le quintile de revenu supérieur a été associé de façon significative à une probabilité relative accrue de forte consommation épisodique d’alcool mensuelle (dans le modèle combiné du SSE, le RRR [rapport de risque relatif] était de 1,21; intervalle de confiance [IC] à 95 % : 1,04 à 1,39). Les niveaux de scolarité supérieurs, l’appartenance aux quintiles de revenu supérieurs et le fait de vivre dans des quartiers moins défavorisés étaient associés de façon significative à une probabilité relative réduite de ne pas se livrer à une forte consommation épisodique d’alcool et de ne pas consommer d’alcool. L’ajustement en fonction des rôles d’adulte n’a pas modifié substantiellement les associations entre le SSE et la consommation d’alcool.

Conclusion. Un SSE élevé a été associé à une forte consommation épisodique d’alcool parmi les jeunes adultes, quoique l’ampleur de cette association soit faible. Les mesures de prévention universelles visant l’abordabilité, la disponibilité et la promotion de l’alcool pourraient être bonifiées par des interventions ciblant les populations de jeunes adultes à risque accru de forte consommation épisodique d’alcool.

Mots-clés : consommation d’alcool, abstinence d’alcool, jeune adulte, classe sociale

Points saillants

  • Environ 30 % des répondants se sont livrés à une forte consommation épisodique d’alcool  mensuelle, tandis que 16 % n’ont pas consommé d’alcool au cours de la dernière année.
  • Le fait de se situer dans le quintile de revenu le plus élevé a été associé de façon significative à une augmentation de la probabilité relative de forte consommation épisodique d’alcool mensuelle.
  • Un niveau de scolarité supérieur, un revenu supérieur et le fait de vivre dans un quartier moins défavorisé ont été associés de façon significative à une probabilité relative réduite de non‑consommation d’alcool.
  • Les mesures de prévention universelles visant l’abordabilité, la disponibilité et la promotion de l’alcool pourraient être bonifiées par des interventions ciblant les populations de jeunes adultes à risque accru de forte consommation épisodique d’alcool.

Introduction

Les directives canadiennes sur la consommation d’alcool à faible risque recommandent d’éviter la forte consommation épisodique d’alcool (ou hyperalcoolisation rapide) car elle est liée à des méfaits à court terme comme des blessures, des agressions et de la violence, ainsi qu’à des problèmes de santé chroniques à long termeNote de bas de page 1. La forte consommation épisodique d’alcool (habituellement définie comme la consommation de cinq verres standard ou plus chez les hommes et de quatre verres standard ou plus chez les femmes dans un intervalle de temps de deux heures) demeure une préoccupation de santé publique chez les jeunes adultes (ou adultes « émergents », c.‑à‑d. ayant entre 18 et 29 ans), étant donné que c’est dans ce groupe d’âge qu’elle est la plus élevéeNote de bas de page 2Note de bas de page 3. Dans les populations de jeunes adultes, elle est caractérisée par des hausses et des diminutions selon l’âge. De nombreux chercheurs pensent que ces pics suivis de diminutions sont liés aux transitions développementales vers des rôles sociaux d’adulte, comme la poursuite d’études postsecondaires ou l’achèvement d’une éducation formelle, un emploi à temps plein, l’indépendance résidentielle, le mariage et le fait d’avoir des enfantsNote de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 6Note de bas de page 7.

Une grande partie de ce que nous savons sur la consommation d’alcool chez les jeunes adultes provient d’études menées dans des établissements universitaires ou collégiaux offrant des programmes de quatre ansNote de bas de page 8, alors que peu d’études portent sur la consommation d’alcool chez les jeunes adultes ne relevant pas de ces établissementsNote de bas de page 9. Toutefois, les tendances observées chez les étudiants de premier cycle sont susceptibles ne pas être généralisables aux jeunes adultes non étudiants, car il existe d’importantes différences socioéconomiques entre les étudiants de premier cycle et leurs pairs ne fréquentant pas d’établissement d’enseignement postsecondaireNote de bas de page 9Note de bas de page 10Note de bas de page 11. De plus, des travaux américains récents révèlent que les âges auxquels les jeunes adultes commencent et cessent une forte consommation épisodique d’alcool  sont en train de changer : les jeunes de 18 et 19 ans tendent à retarder la forte consommation épisodique d’alcool, mais elle se poursuit plus tard dans la vingtaine par rapport aux décennies précédentesNote de bas de page 12Note de bas de page 13. Malgré ces tendances, peu d’études tiennent compte de l’expérience des jeunes adultes du milieu à la fin de la vingtaine. Cette lacune a des répercussions sur les efforts de prévention : par exemple, la recherche sur les interventions en matière de consommation d’alcool chez les jeunes adultes a surtout porté sur les étudiants de premier cycle universitaire, si bien que d’autres jeunes ont pu être omisNote de bas de page 14. Il paraît donc nécessaire d’étudier des données représentatives à l’échelle nationale pour de plus larges tranches d’âge chez les jeunes adultes.

L’une des limites des données probantes actuelles concerne la compréhension des disparités socioéconomiques en matière de forte consommation épisodique d’alcool chez les jeunes adultes. De nombreux comportements liés à la santé, dont la consommation d’alcool, sont caractérisés par des disparités socioéconomiques. En général, les groupes à faible SSE sont plus susceptibles de s’abstenir, mais aussi de boire plus que les groupes plus richesNote de bas de page 15. La relation entre SSE et consommation d’alcool n’est cependant pas claire en ce qui concerne les jeunes adultes : la plupart des données probantes sur le SSE et la consommation d’alcool sont limitées aux adolescents ou à la population générale de plus de 25 ans. Cette lacune dans les connaissances peut s’expliquer en partie par le fait que l’évaluation du SSE est compliquée chez les jeunes adultes : il y a souvent un chevauchement entre le SSE et les rôles d’adulte. Par exemple, le niveau de scolarité, le revenu et l’emploi constituent des indicateurs du SSE, mais beaucoup de jeunes adultes n’ont pas encore terminé leurs études, et leur revenu ainsi que leur situation d’emploi peuvent varier en conséquenceNote de bas de page 16. En outre, l’adoption précoce ou retardée des rôles traditionnels d’adulte est susceptible d’être liée au statut socioéconomique : de fait, les jalons de la vie adulte tendent à être franchis plus tôt dans les groupes défavorisés, tandis que le nombre supérieur d’années d’études retarde l’adoption des rôles d’adulte dans les groupes favorisésNote de bas de page 17.

Compte tenu de l’évolution de la consommation d’alcool selon l’âge et de l’insuffisance des données relatives au SSE dans ce groupe d’âge, nous avons étudié les disparités socioéconomiques liées aux habitudes de consommation d’alcool (incluant la non‑consommation d’alcool) chez les jeunes adultes canadiens. Nous avons posé deux questions précises :

  1. Comment trois indicateurs du SSE (niveau de scolarité, revenu du ménage et défavorisation matérielle du quartier) sont‑ils associés à la consommation d’alcool chez les jeunes adultes canadiens?
  2. Comment ces trois indicateurs du SSE sont‑ils associés à la consommation d’alcool lorsque l’on tient compte des rôles d’adulte concomitants (fréquenter l’école à temps plein, travailler à temps plein, vivre avec ses parents, vivre en cohabitation ou être marié, exercer des responsabilités parentales)?

En nous fondant sur la littérature sur l’abstinence d’alcool, nous avons émis l’hypothèse que les indicateurs du SSE seraient inversement associés à la non‑consommation d’alcool (c.‑à‑d. que les jeunes adultes dont le niveau de scolarité ou le revenu du ménage sont inférieurs, ou qui vivent dans des quartiers plus défavorisés, présenteraient des probabilités relatives plus élevées de non-consommation d’alcool). En ce qui concerne la forte consommation épisodique d’alcool, nous avons émis l’hypothèse que les jeunes adultes ressembleraient davantage à la population adulte générale qu’aux adolescents, et qu’un SSE plus élevé serait donc inversement associé à une forte consommation épisodique d’alcool. Nous nous sommes attendus à observer une probabilité relative plus élevée de non‑consommation chez ceux vivant avec leurs parents, chez ceux qui étaient mariés ou en cohabitation et chez ceux qui étaient eux‑mêmes parents. À l’opposé, nous avons supposé que les étudiants auraient une probabilité relative plus élevée de forte consommation épisodique d’alcool.

Méthodologie

Données

Les données proviennent de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC), une enquête transversale annuelle répétée contenant des données représentatives à l’échelle nationale sur la santé des Canadiens. L’ESCC recueille des données sur les mesures de la santé, les comportements en matière de santé et l’utilisation des services de santé chez les Canadiens de 12 ans et plus vivant dans les dix provinces et les trois territoires. La base d’échantillonnage représente environ 98 % de la population canadienne. Notre analyse a été limitée aux répondants de 18 à 29 ans. Pour accroître la taille de l’échantillon, nous avons fusionné trois cycles d’enquête, de 2015 à 2019.

Variables de l’étude

Variable dépendante : comportement en matière de consommation d’alcool au cours de la dernière année

Les participants à l’ESCC ont été interrogés au sujet de leur consommation d’alcool (à vie), de leur consommation d’alcool au cours de l’année précédente et de la fréquence à laquelle ils ont consommé cinq verres d’alcool ou plus (quatre verres ou plus pour les femmes) en une occasion au cours des 12 derniers mois. Cette dernière mesure est un seuil standard pour l’évaluation de la forte consommation épisodique d’alcoolNote de bas de page 18. Les options de réponse concernant la forte consommation épisodique d’alcool allaient de « jamais » à « plus d’une fois par semaine ». À partir de ces éléments, nous avons créé une nouvelle variable pour la consommation d’alcool au cours de la dernière année avec quatre niveaux mutuellement exclusifs : 1) non-consommation (aucune consommation à vie et aucune consommation au cours de la dernière année), 2) absence de forte consommation épisodique d’alcool (personnes ayant consommé de l’alcool au cours de la dernière année mais qui ne se sont pas livrées à une forte consommation épisodique d’alcool), 3) forte consommation épisodique d’alcool moins d’une fois par mois (personnes ayant consommé de l’alcool au cours de la dernière année et qui se sont livrées à une forte consommation épisodique d’alcool moins d’une fois par mois) et 4) forte consommation épisodique d’alcool mensuelle (personnes ayant consommé de l’alcool au cours de la dernière année et qui se sont livrées à une forte consommation épisodique d’alcool une fois par mois ou plus).

Corrélats

Nous avons inclus trois groupes de prédicteurs, correspondant au statut socioéconomique (SSE), aux rôles d’adulte et aux facteurs sociodémographiques. Le SSE comprenait 1) le niveau de scolarité (pas de diplôme d’études secondaires, diplôme d’études secondaires, collège communautaire/école technique/cégep, diplôme universitaire de premier cycle ou plus), 2) la classe de revenu du ménage à l’échelle nationale (par rapport à un seuil de faible revenu qui tient compte de la taille du ménage, par quintile de population) et 3) la défavorisation matérielle du quartier (selon l’indice de défavorisation matérielle et sociale [IDMS]Note de bas de page 19 compilé à partir des données du recensement canadien de 2016; nous avons utilisé les valeurs de défavorisation matérielle, exprimées en quintiles). Les valeurs de défavorisation matérielle correspondent à un faible revenu, un faible niveau de scolarité et un faible ratio emploi‑population dans l’aire de diffusionNote de bas de page 19. Nous avons jumelé l’IDMS aux données de l’ESCC à l’aide d’une variable commune : les codes d’identification des aires de diffusion (qui sont la plus petite unité géographique standard disponible pour l’analyse et couvrent l’ensemble du Canada)Note de bas de page 20.

Nous avons traité les rôles d’adulte comme des variables binaires (oui/non) : « étudiant à temps plein », « emploi à temps plein » (incluant le travail autonome, 30 heures et plus par semaine), « vivant en cohabitation/marié », « vivant à la maison avec ses parents », « vivant avec des enfants » (avec responsabilités parentales).

Les facteurs sociodémographiques étaient l’âge (trois groupes correspondant aux phases précoce, intermédiaire et tardive de l’âge adulte « émergent » : 18 et 19 ans, 20 à 24 ans, 25 à 29 ans), le sexe (masculin, féminin), l’identité ethnoraciale et autochtone (blanc, autochtone, racisé non autochtone) et le degré d’urbanisation (centre de population rural, petit, moyen ou grand), car il a été prouvé que ces facteurs sont de solides prédicteurs du comportement en matière de consommation d’alcool et du SSENote de bas de page 3Note de bas de page 21Note de bas de page 22Note de bas de page 23Note de bas de page 24. L’âge légal pour consommer de l’alcool différant d’une province à l’autre, nous avons effectué un ajustement en fonction de l’âge légal pour consommer de l’alcool selon la province (18 ans ou 19 ans), ainsi que de l’année d’enquête (correspondant aux cycles de deux ans disponibles de l’ESCC : 2015‑2016, 2017‑2018 et 2019).

Analyses

Pour toutes les analyses, nous avons utilisé les poids d’enquête et poids bootstrap créés par Statistique Canada pour obtenir des estimations représentatives à l’échelle nationale. Les répondants pour lesquels il manquait des données concernant l’une des variables de l’étude ont été exclus de l’échantillon d’analyse.

Nous avons d’abord décrit les caractéristiques de l’échantillon global, puis celles des jeunes adultes ne consommant pas d’alcool, celles des jeunes adultes ne se livrant pas à une forte consommation épisodique d’alcool, celles des jeunes adultes se livrant à une forte consommation épisodique d’alcool moins d’une fois par mois et celles des jeunes adultes se livrant à une forte consommation épisodique d’alcool mensuelle (tableau 1). Ensuite, nous avons estimé, à l’aide d’une régression logistique multinomiale, les rapports de risque relatif (RRR) de respectivement la non-consommation d’alcool, l’absence de forte consommation épisodique d’alcool et la forte consommation épisodique d’alcool mensuelle, par rapport à la forte consommation épisodique d’alcool moins d’une fois par mois. Cette dernière a servi de catégorie de référence car elle correspondait au groupe le plus nombreux. Dans le contexte d’une régression logistique multinomiale, le rapport de risque relatif (RRR) désigne le rapport des risques relatifs d’exposition (comme niveau de scolarité ou le revenu du ménage) dans les groupes de résultats (comme une forte consommation épisodique d’alcool mensuelle ou une forte consommation épisodique d’alcool moins d’une fois par mois), ce qui équivaut au rapport de cotes (RC) ou aux probabilités relatives. Nous avons élaboré des modèles distincts et partiellement ajustés (pour l’âge, le sexe, l’identité ethnoraciale et autochtone, le degré d’urbanisation, l’âge légal de consommation d’alcool et l’année d’enquête) pour chaque variable du SSE (niveau de scolarité, revenu du ménage et défavorisation matérielle du quartier), puis nous avons ajouté les trois variables du SSE comme covariables dans un modèle unique (« SSE combiné », tableau 2). Pour répondre à notre seconde question de recherche, nous avons ajouté au modèle combiné du SSE, une par une, les variables relatives aux rôles d’adulte (tableau 3).

Étant donné que les comportements liés à la consommation d’alcool et le SSE sont différents chez les hommes et chez les femmesNote de bas de page 25, nous avons testé une interaction entre le SSE et le sexe dans des modèles partiellement ajustés afin de déterminer s’il y avait lieu d’élaborer des modèles stratifiés selon le sexe. Comme les données de l’ESCC ne faisaient pas de distinction entre le sexe biologique et le genre avant 2021, nous avons utilisé la variable « sexe » comme indicateur du genre. Comme nous n’avons trouvé aucune interaction statistiquement significative entre l’un des indicateurs du SSE et le sexe, nous avons modélisé ensemble les hommes et les femmes.

Toutes les analyses ont été effectuées au Centre de données de recherche de Statistique Canada à l’aide de la version 4.0 de R (R Foundation for Statistical Computing, Vienne, Autriche) et des trousses svy_vglm et d’enquête.

Résultats

Échantillon d’analyse

L’échantillon d’analyse final comprenait 29 598 répondants, correspondant à une population nationale de 4 869 039 jeunes adultes. Nous avons exclu 4 624 participants de l’analyse en raison de données manquantes. La plus grande source de données manquantes provenait de la catégorie de la défavorisation matérielle du quartier, à la suite du jumelage à l’ensemble de données IDMS, pour lequel il manque des informations concernant certaines aires de diffusionNote de bas de page 19. La deuxième source était la catégorie du revenu du ménage (parce que l’ESCC ne comprend pas d’information sur cette variable pour les trois territoires), suivie de l’identité ethnoraciale et autochtone. Il y avait des différences entre les répondants inclus et les répondants exclus en ce qui concerne l’âge, le sexe, l’identité ethnoraciale et autochtone, la fréquentation scolaire, le fait de vivre avec ses parents et le degré d’urbanisation. Les jeunes plus âgés, les hommes, les jeunes autochtones et racisés, les jeunes ne fréquentant pas l’école à temps plein, ceux ne vivant pas avec leurs parents et les habitants des centres de population de taille moyenne étaient sous‑représentés dans l’échantillon d’analyse (voir le tableau supplémentaire 1 à https://osf.io/pb5wg).

Aperçu descriptif de la consommation d’alcool

Les jeunes adultes étaient plus nombreux à déclarer une forte consommation épisodique d’alcool moins d’une fois par mois (32,3 %, N = 1 572 013), suivis de ceux à forte consommation épisodique d’alcool mensuelle (29,9 %, N = 1 455 469), de ceux sans forte consommation épisodique d’alcool (21,6 %, N = 1 050 887) et de ceux ne consommant pas d’alcool (16,2 %, N = 790 671) (tableau 1). Parmi les 29,9 % de jeunes adultes ayant rapporté une forte consommation épisodique d’alcool mensuelle, près d’un tiers (29,4 %, N = 428 333) avait fait état d’une forte consommation épisodique d’alcool hebdomadaire. Comparativement aux jeunes adultes ne consommant pas d’alcool ou à ceux se livrant à une forte consommation épisodique d’alcool moins d’une fois par mois, ceux qui se livraient à une forte consommation épisodique d’alcool mensuelle étaient plus susceptibles d’être des hommes, de s’identifier comme blancs, de se situer dans les quintiles de revenu du ménage les plus élevés (les plus riches), de vivre dans les quartiers les moins défavorisés et d’occuper un emploi à temps plein. En revanche, les jeunes adultes ne consommant pas d’alcool étaient plus susceptibles d’être parmi les plus jeunes, d’appartenir à un groupe racisé non autochtone, de se situer dans les quintiles de revenu les plus faibles (les plus pauvres), de vivre dans les quartiers les plus défavorisés, de vivre dans de grands centres de population, de faire des études à temps plein et de vivre à la maison avec leurs parents.

Tableau 1. Caractéristiques de l’échantillon de l’étude, jeunes adultes canadiens de 18 à 29 ans, Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (2015‑2019)
Caractéristiques Échantillon pondéré total
N = 4 869 039
% de la colonne
Stratification selon la consommation d’alcool
Non-consommation d’alcool
 N = 790 671
% de la colonne
Absence de forte consommation épisodique d’alcool
N = 1 050 887
% de la colonne
Forte consommation épisodique d’alcool moins d’une fois par mois
N = 1 572 013
% de la colonne
Forte consommation épisodique d’alcool mensuelle
N = 1 455 469
% de la colonne
Niveau de scolarité Pas de diplôme d’études secondaires 7,6 13,6 7,7 5,9 6,1
Diplôme d’études secondaires 37,6 41,3 38,7 37,1 35,2
Collège/technique/cégep 31,3 24,8 30,5 32,9 33,7
Diplôme universitaire de premier cycle ou supérieur 23,5 20,3 23,1 24,1 25,0
Revenu du ménage Q1 (le plus faible) 25,5 37,8 29,2 22,4 19,6
Q2 (moyen-faible) 19,4 22,1 21,4 18,4 17,5
Q3 (intermédiaire) 19,0 19,0 18,4 19,9 18,3
Q4 (moyen-élevé) 18,5 12,4 17,2 19,8 21,5
Q5 (le plus élevé) 17,6 8,7 13,8 19,5 23,0
Défavorisation matérielle du quartier Q1 (le plus faible) 22,3 14,2 20,4 23,8 26,5
Q2 (moyen-faible) 18,8 15,1 17,9 19,9 20,4
Q3 (intermédiaire) 19,5 18,8 20,0 19,4 19,6
Q4 (moyen-élevé) 20,0 21,4 20,4 20,4 18,7
Q5 (le plus élevé) 19,4 30,6 21,4 16,6 14,8
Âge (ans) 18 et 19 16,0 24,4 17,1 14,5 12,4
20 à 24 40,4 36,2 38,9 41,7 42,6
25 à 29 43,5 39,5 43,9 43,9 45,0
Sexe Féminin 49,1 53,4 51,8 51,6 42,2
Masculin 50,9 46,6 48,2 48,4 57,8
Identité ethnoraciale et autochtoneNote de bas de page a Blanc 63,7 37,4 55,7 70,8 76,1
Autochtone 5,0 4,2 3,3 5,1 6,5
Non‑Autochtone racisé 31,3 58,4 40,9 24,0 17,4
Étudie à temps plein Non 69,2 62,4 68,2 69,6 73,2
Oui 30,8 37,6 31,8 30,4 26,8
Travaille à temps plein Non 45,8 64,5 51,1 41,2 36,9
Oui 54,2 35,5 48,9 58,8 63,1
Vit avec ses parents Non 53,0 46,8 55,1 53,1 54,6
Oui 47,0 53,2 44,9 46,9 45,4
En cohabitation/marié Non 74,1 76,5 71,9 73,0 75,7
Oui 25,9 23,5 28,1 27,0 24,3
Exerce des responsabilités parentales Non 90,8 88,8 88,0 90,9 93,8
Oui 9,2 11,2 12,0 9,1 6,2
Degré d’urbanisation Rural 13,1 9,5 12,5 13,8 14,5
Petit centre de population 10,0 6,7 7,7 11,4 11,9
Centre de population intermédiaire 8,3 6,6 7,9 8,6 9,3
Grand centre de population 68,6 77,1 71,8 66,2 64,3
Âge légal pour consommer de l’alcool (ans) 18 37,1 30,7 35,2 39,3 39,5
19 62,9 69,3 64,8 60,7 60,5
Année 2015-2016 32,5 28,8 32,9 32,7 34,0
2017-2018 33,6 32,7 32,9 33,5 34,8
2019 33,9 38,5 34,2 33,9 31,2

Comment les différents indicateurs du SSE sont‑ils associés à la consommation d’alcool?

Les associations non ajustées et ajustées entre les indicateurs du SSE (niveau de scolarité, revenu du ménage et défavorisation matérielle du quartier) et la consommation d’alcool sont présentées dans le tableau 2. Dans le modèle de forte consommation épisodique d’alcool mensuelle (par rapport à une forte consommation épisodique d’alcool moins d’une fois par mois), les jeunes adultes ayant fait des études supérieures (par rapport à l’absence de diplôme d’études secondaires) présentaient une probabilité relative plus élevée, mais non statistiquement significative, de forte consommation épisodique d’alcool mensuelle. Comparativement aux jeunes adultes se situant dans le quintile de revenu du ménage le plus faible (le plus pauvre), ceux des deux quintiles de revenu du ménage les plus élevés (Q4 et Q5) affichaient une probabilité relative plus élevée de forte consommation épisodique d’alcool mensuelle (respectivement RRR = 1,18 [IC à 95 % : 1,01 à 1,38] et RRR = 1,25 [IC à 95 % : 1,09 à 1,44]). Comparativement à ceux vivant dans les quartiers les plus défavorisés, seuls ceux des quartiers les moins défavorisés affichaient une probabilité relative plus élevée de forte consommation épisodique d’alcool mensuelle (RRR = 1,23; IC à 95 % : 1,05 à 1,44). L’inclusion de l’ensemble des indicateurs du SSE (niveau de scolarité, revenu du ménage et défavorisation matérielle du quartier) dans un modèle unique a entraîné une légère atténuation des associations, et seul le quintile de revenu du ménage le plus élevé est demeuré statistiquement significatif.

Selon les modèles relatifs à l’absence de forte consommation épisodique d’alcool (par rapport à une forte consommation épisodique d’alcool moins d’une fois par mois) et à la non-consommation d’alcool (par rapport à une forte consommation épisodique d’alcool moins d’une fois par mois), les jeunes adultes ayant fait des études supérieures (par exemple ayant un diplôme universitaire par rapport à ceux sans diplôme d’études secondaires) présentaient une probabilité relative plus faible de ne pas se livrer à une forte consommation épisodique d’alcool (RRR = 0,59; IC à 95 % : 0,47 à 0,74) et de ne pas consommer d’alcool (RRR = 0,26; IC à 95 % : 0,21 à 0,33). Les jeunes adultes se situant dans les quintiles de revenu du ménage plus élevés (par rapport aux plus faibles) présentaient une probabilité relative plus faible de ne pas se livrer à une forte consommation épisodique d’alcool et de ne pas consommer d’alcool (par exemple, dans le quintile de revenu le plus riche, RRR = 0,62 [0,52 à 1,38] pour l’absence de forte consommation épisodique d’alcool et RRR = 0,37 [0,30 à 0,46] pour la non-consommation d’alcool). Les jeunes adultes se situant dans les quintiles moins défavorisés (par rapport aux plus défavorisés) présentaient une probabilité relative plus faible de ne pas se livrer à une forte consommation épisodique d’alcool et de ne pas consommer d’alcool (par exemple, dans le quintile de défavorisation matérielle du quartier le plus faible, RRR = 0,72 [0,60 à 0,87] pour l’absence de forte consommation épisodique d’alcool et RRR = 0,39 [0,31 à 0,49] pour la non-consommation d’alcool). L’inclusion de tous les indicateurs du SSE (niveau de scolarité, revenu du ménage et défavorisation matérielle du quartier) dans un modèle unique a entraîné une atténuation de leurs associations avec l’absence de forte consommation épisodique d’alcool et la non-consommation d’alcool, lesquelles sont néanmoins demeurées statistiquement significatives.

Tableau 2. Associations entre les indicateurs socioéconomiques et la consommation d’alcool chez les jeunes adultes canadiens de 18 à 29 ans, Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (2015‑2019), N = 4 869 039
Indicateurs socioéconomiques
Niveau de scolarité Revenu
du ménage
Défavorisation matérielle du quartier SSE
combinéNote de bas de page a
RRR IC à 95 % RRR IC à 95 % RRR IC à 95 % RRR IC à 95 %
Modèle de forte consommation épisodique d’alcool mensuelle (par rapport à une forte consommation épisodique d’alcool moins d’une fois par mois)
Niveau de scolarité Pas de diplôme d’études secondaires Réf s.o. Réf
Diplôme d’études secondaires 0,99 0,82 à 1,19 s.o. 0,94 0,78 à 1,13
Collège/technique/cégep 1,06 0,89 à 1,28 s.o. 1,01 0,84 à 1,21
Diplôme universitaire de premier cycle ou supérieur 1,15 0,93 à 1,41 s.o. 1,04 0,84 à 1,29
Revenu du ménage Q1 (le plus faible/pauvre) s.o. Réf s.o. Réf
Q2 (moyen-faible) s.o. 1,06 0,91 à 1,24 s.o. 1,06 0,91 à 1,23
Q3 (intermédiaire) s.o. 1,00 0,86 à 1,17 s.o. 0,99 0,85 à 1,16
Q4 (moyen-élevé) s.o. 1,18 1,01 à 1,38 s.o. 1,15 0,99 à 1,35
Q5 (le plus élevé) s.o. 1,25 1,09 à 1,44 s.o. 1,21 1,04 à 1,39
Défavorisation matérielle du quartier Q5 (le plus élevé/défavorisé) s.o. Réf Réf
Q4 (moyen-élevé) s.o. 1,00 0,85 à 1,17 0,98 0,84 à 1,15
Q3 (intermédiaire) s.o. 1,08 0,93 à 1,26 1,05 0,90 à 1,23
Q2 (moyen-faible) s.o. 1,10 0,94 à 1,28 1,06 0,91 à 1,25
Q1 (le plus faible) s.o. 1,23 1,05 à 1,44 1,18 1,00 à 1,38
Modèle d’absence de forte consommation épisodique d’alcool (par rapport à une forte consommation épisodique d’alcool moins d’une fois par mois)
Niveau de scolarité Pas de diplôme d’études secondaires Réf s.o. Réf
Diplôme d’études secondaires 0,71 0,57 à 0,88 s.o. 0,77 0,62 à 0,96
Collège/technique/cégep 0,65 0,53 à 0,80 s.o. 0,72 0,58 à 0,89
Diplôme universitaire de premier cycle ou supérieur 0,59 0,47 à 0,74 s.o. 0,69 0,55 à 0,88
Revenu du ménage Q1 (le plus faible/pauvre) s.o. Réf s.o. Réf
Q2 (moyen-faible) s.o. 0,91 0,78 à 1,07 s.o. 0,93 0,79 à 1,09
Q3 (intermédiaire) s.o. 0,76 0,64 à 0,90 s.o. 0,79 0,66 à 0,94
Q4 (moyen-élevé) s.o. 0,73 0,62 à 0,86 s.o. 0,77 0,65 à 0,91
Q5 (le plus élevé) s.o. 0,62 0,52 à 0,76 s.o. 0,67 0,55 à 0,81
Défavorisation matérielle du quartier Q5 (le plus élevé/défavorisé) s.o. Réf Réf
Q4 (moyen-élevé) s.o. 0,84 0,70 à 1,01 0,88 0,74 à 1,06
Q3 (intermédiaire) s.o. 0,88 0,74 à 1,05 0,94 0,79 à 1,12
Q2 (moyen-faible) s.o. 0,80 0,67 à 0,96 0,87 0,72 à 1,05
Q1 (le plus faible) s.o. 0,72 0,60 à 0,87 0,80 0,66 à 0,97
Modèle de non-consommation d’alcool (par rapport à une forte consommation épisodique d’alcool moins d’une fois par mois)    
Niveau de scolarité Pas de diplôme d’études secondaires Réf s.o. s.o.
Diplôme d’études secondaires 0,37 0,30 à 0,46 s.o. 0,45 0,37 à 0,56
Collège/technique/cégep 0,29 0,23 à 0,37 s.o. 0,36 0,28 à 0,45
Diplôme universitaire de premier cycle ou supérieur 0,26 0,21 à 0,33 s.o. 0,38 0,30 à 0,47
Revenu du ménage Q1 (le plus faible/pauvre) s.o. Réf s.o. Réf
Q2 (moyen-faible) s.o. 0,76 s.o. s.o. 0,81 0,68 à 0,97
Q3 (intermédiaire) s.o. 0,67 s.o. s.o. 0,75 0,62 à 0,91
Q4 (moyen-élevé) s.o. 0,46 s.o. s.o. 0,54 0,44 à 0,66
Q5 (le plus élevé) s.o. 0,37 s.o. s.o. 0,47 0,38 à 0,58
Défavorisation matérielle du quartier Q5 (le plus élevé/défavorisé) s.o. Réf Réf
Q4 (moyen-élevé) s.o. 0,67 0,55 à 0,82 0,74 0,60 à 0,90
Q3 (intermédiaire) s.o. 0,64 0,52 à 0,78 0,72 0,58 à 0,88
Q2 (moyen-faible) s.o. 0,55 0,44 à 0,67 0,64 0,52 à 0,79
Q1 (le plus faible) s.o. 0,39 0,31 à 0,49 0,47 0,38 à 0,59

Les associations entre SSE et consommation d’alcool changent‑elles lorsque les rôles d’adulte sont pris en compte?

Les associations entre SSE et consommation d’alcool ajustées en fonction des rôles sociaux d’adulte sont présentées dans le tableau 3. Deux rôles ont été associés à une forte consommation épisodique d’alcool mensuelle : le fait de vivre en cohabitation ou d’être marié (RRR = 0,81; IC à 95 % : 0,73 à 0,91) et le fait d’être parent (RRR = 0,66; IC à 95 % : 0,56 à 0,77). Trois rôles ont été associés à l’absence de forte consommation épisodique d’alcool  : le fait d’occuper un emploi à temps plein (RRR = 0,74; IC à 95 % : 0,66 à 0,82), le fait de vivre en cohabitation ou d’être marié (RRR = 1,23; IC à 95 % : 1,09 à 1,39) et le fait d’être parent (RRR = 1,55; IC à 95 % : 1,35 à 1,79). Quatre rôles ont été associés à la non-consommation d’alcool : le fait d’occuper un emploi à temps plein (RRR = 0,51; IC à 95 % : 0,44 à 0,59), le fait de vivre avec ses parents (RRR = 1,19; IC à 95 % : 1,02 à 1,39), le fait de vivre en cohabitation ou d’être marié (RRR = 1,18; IC à 95 % : 1,01 à 1,37) et le fait d’être parent (RRR = 1,62; IC à 95 % : 1,35 à 1,94). Dans l’ensemble, l’ajustement pour les rôles d’adulte n’a pas modifié l’association entre SSE et consommation d’alcool.

Tableau 3. Associations entre les indicateurs socioéconomiques, les rôles d’adulte et la consommation d’alcool chez les jeunes adultes canadiens de 18 à 29 ans, Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (2015‑2019), N = 4 869 039
 
Indicateurs socioéconomiques
Étudie à temps pleinNote de bas de page a Travaille à temps pleinNote de bas de page b Vit avec ses parentsNote de bas de page c En cohabitation/
mariéNote de bas de page d
Exerce des responsabilités parentalesNote de bas de page e
RRR IC à 95 % RRR IC à 95 % RRR IC à 95 % RRR IC à 95 % RRR IC à 95 %
Modèle de forte consommation épisodique d’alcool mensuelle (par rapport à une forte consommation épisodique d’alcool moins d’une fois par mois)
Niveau de scolarité Pas de diplôme d’études secondaires Réf Réf Réf Réf Réf
Diplôme d’études secondaires 0,95 0,79 à 1,15 0,93 0,77 à 1,12 0,94 0,78 à 1,13 0,94 0,78 à 1,13 0,93 0,77 à 1,12
Collège/technique/cégep 1,01 0,84 à 1,22 0,99 0,82 à 1,20 1,00 0,83 à 1,21 1,01 0,84 à 1,22 1,00 0,83 à 1,20
Diplôme universitaire de premier cycle ou supérieur 1,05 0,85 à 1,30 1,03 0,83 à 1,27 1,04 0,84 à 1,28 1,06 0,85 à 1,31 1,02 0,82 à 1,26
Revenu du ménage Q1 (le plus faible/pauvre) Réf Réf Réf Réf Réf
Q2 (moyen-faible) 1,05 0,90 à 1,23 1,05 0,90 à 1,22 1,07 0,92 à 1,25 1,06 0,91 à 1,24 1,05 0,90 à 1,22
Q3 (intermédiaire) 0,99 0,84 à 1,15 0,98 0,84 à 1,14 1,01 0,86 à 1,18 0,99 0,85 à 1,16 0,98 0,84 à 1,14
Q4 (moyen-élevé) 1,15 0,98 à 1,35 1,14 0,97 à 1,33 1,18 1,01 à 1,38 1,15 0,98 à 1,35 1,13 0,96 à 1,32
Q5 (le plus élevé) 1,21 1,04 à 1,39 1,19 1,03 à 1,38 1,24 1,07 à 1,44 1,20 1,04 à 1,38 1,17 1,01 à 1,35
Défavorisation matérielle du quartier Q5 (le plus élevé/défavorisé) Réf Réf Réf Réf Réf
Q4 (moyen-élevé) 0,98 0,84 à 1,15 0,98 0,84 à 1,15 0,98 0,84 à 1,15 0,98 0,84 à 1,15 0,98 0,83 à 1,14
Q3 (intermédiaire) 1,05 0,90 à 1,23 1,05 0,90 à 1,22 1,05 0,90 à 1,23 1,05 0,90 à 1,23 1,05 0,89 à 1,22
Q2 (moyen-faible) 1,07 0,91 à 1,25 1,06 0,91 à 1,24 1,06 0,91 à 1,25 1,06 0,91 à 1,25 1,06 0,90 à 1,24
Q1 (le plus faible) 1,18 1,01 à 1,39 1,17 1,00 à 1,38 1,17 1,00 à 1,38 1,17 1,00 à 1,38 1,16 0,99 à 1,37
Étudie à temps plein Oui 0,91 0,81 à 1,03 s.o.
Travaille à temps plein Oui s.o. 1,09 0,98 à 1,20 s.o.
Vit avec ses parents Oui s.o. 0,92 0,81 à 1,03 s.o.
En cohabitation/marié Oui s.o. 0,81 0,73 à 0,91 s.o.
Exerce des responsabilités parentales Oui s.o. 0,66 0,56 à 0,77
Modèle d’absence de forte consommation épisodique d’alcool (par rapport à une forte consommation épisodique d’alcool moins d’une fois par mois)
Niveau de scolarité Pas de diplôme d’études secondaires Réf Réf Réf Réf Réf
Diplôme d’études secondaires 0,78 0,63 à 0,97 0,79 0,63 à 0,98 0,77 0,62 à 0,96 0,77 0,62 à 0,96 0,78 0,63 à 0,97
Collège/technique/cégep 0,72 0,58 à 0,89 0,75 0,61 à 0,93 0,71 0,58 à 0,89 0,71 0,57 à 0,89 0,73 0,59 à 0,91
Diplôme universitaire de premier cycle ou supérieur 0,70 0,55 à 0,88 0,73 0,58 à 0,93 0,69 0,55 à 0,87 0,69 0,55 à 0,87 0,72 0,57 à 0,91
Revenu du ménage Q1 (le plus faible/pauvre) Réf Réf Réf Réf Réf
Q2 (moyen-faible) 0,93 0,79 à 1,09 0,97 0,83 à 1,14 0,95 0,81 à 1,11 0,93 0,79 à 1,09 0,94 0,80 à 1,11
Q3 (intermédiaire) 0,78 0,66 à 0,93 0,82 0,69 à 0,98 0,81 0,68 à 0,96 0,79 0,66 à 0,94 0,80 0,67 à 0,96
Q4 (moyen-élevé) 0,77 0,65 à 0,91 0,81 0,68 à 0,96 0,79 0,67 à 0,95 0,77 0,65 à 0,91 0,79 0,67 à 0,94
Q5 (le plus élevé) 0,67 0,55 à 0,81 0,71 0,59 à 0,86 0,70 0,57 à 0,85 0,68 0,56 à 0,82 0,70 0,58 à 0,85
Défavorisation matérielle du quartier Q5 (le plus élevé/défavorisé) Réf Réf Réf Réf Réf
Q4 (moyen-élevé) 0,88 0,74 à 1,06 0,89 0,74 à 1,06 0,88 0,73 à 1,05 0,88 0,74 à 1,06 0,89 0,74 à 1,07
Q3 (intermédiaire) 0,94 0,79 à 1,12 0,94 0,79 à 1,12 0,94 0,79 à 1,12 0,94 0,79 à 1,12 0,94 0,79 à 1,13
Q2 (moyen-faible) 0,87 0,73 à 1,05 0,87 0,72 à 1,05 0,87 0,72 à 1,05 0,87 0,73 à 1,05 0,88 0,74 à 1,07
Q1 (le plus faible) 0,81 0,67 à 0,97 0,81 0,67 à 0,97 0,80 0,66 à 0,96 0,80 0,67 à 0,97 0,82 0,68 à 0,99
Étudie à temps plein Oui 0,92 0,81 à 1,06 s.o.
Travaille à temps plein Oui s.o. 0,74 0,66 à 0,82 s.o.
Vit avec ses parents Oui s.o. 0,88 0,77 à 1,01 s.o.
En cohabitation/marié Oui s.o. 1,23 1,09 à 1,39 s.o.
Exerce des responsabilités parentales Oui s.o. 1,55 1,35 à 1,79
Modèle de non‑consommation d’alcool (par rapport à une forte consommation épisodique d’alcool moins d’une fois par mois)
Niveau de scolarité Pas de diplôme d’études secondaires Réf Réf Réf Réf Réf
Diplôme d’études secondaires 0,46 0,37 à 0,56 0,47 0,38 à 0,58 0,45 0,37 à 0,56 0,45 0,37 à 0,56 0,46 0,38 à 0,57
Collège/technique/cégep 0,36 0,28 à 0,45 0,39 0,31 à 0,49 0,36 0,29 à 0,45 0,36 0,28 à 0,44 0,37 0,29 à 0,46
Diplôme universitaire de premier cycle ou supérieur 0,38 0,30 à 0,48 0,42 0,33 à 0,53 0,38 0,30 à 0,48 0,37 0,29 à 0,47 0,39 0,31 à 0,50
Revenu du ménage Q1 (le plus faible/pauvre) Réf Réf Réf Réf Réf
Q2 (moyen-faible) 0,81 0,68 à 0,96 0,90 0,75 à 1,07 0,79 0,67 à 0,94 0,81 0,68 à 0,97 0,83 0,69 à 0,98
Q3 (intermédiaire) 0,75 0,62 à 0,91 0,83 0,68 à 1,01 0,73 0,60 à 0,88 0,75 0,62 à 0,91 0,77 0,64 à 0,93
Q4 (moyen-élevé) 0,54 0,44 à 0,65 0,60 0,49 à 0,73 0,52 0,42 à 0,63 0,54 0,44 à 0,66 0,56 0,46 à 0,68
Q5 (le plus élevé) 0,47 0,38 à 0,58 0,53 0,43 à 0,67 0,45 0,36 à 0,55 0,47 0,38 à 0,58 0,49 0,39 à 0,61
Défavorisation matérielle du quartier Q5 (le plus élevé/défavorisé) Réf Réf Réf Réf Réf
Q4 (moyen-élevé) 0,74 0,60 à 0,90 0,74 0,61 à 0,91 0,74 0,61 à 0,90 0,74 0,60 à 0,90 0,74 0,61 à 0,91
Q3 (intermédiaire) 0,72 0,58 à 0,88 0,71 0,58 à 0,88 0,71 0,58 à 0,87 0,72 0,58 à 0,88 0,72 0,59 à 0,88
Q2 (moyen-faible) 0,64 0,52 à 0,79 0,64 0,52 à 0,79 0,64 0,52 à 0,79 0,64 0,52 à 0,79 0,65 0,53 à 0,80
Q1 (le plus faible) 0,48 0,38 à 0,60 0,48 0,38 à 0,60 0,48 0,39 à 0,60 0,48 0,38 à 0,59 0,48 0,39 à 0,61
Étudie à temps plein Oui 0,96 0,82 à 1,13 s.o.
Travaille à temps plein Oui s.o. 0,51 0,44 à 0,59 s.o.
Vit avec ses parents Oui s.o. 1,19 1,02 à 1,39 s.o.
En cohabitation/marié Oui s.o. 1,18 1,01 à 1,37 s.o.
Exerce des responsabilités parentales Oui s.o. 1,62 1,35 à 1,94

Analyse

Cette étude augmente les connaissances sur les disparités sociales en matière de consommation d’alcool chez les jeunes adultes de 18 à 29 ans au Canada. Des gradients socioéconomiques clairs en sont ressortis. Comparativement à ceux dont le SSE est plus faible, les jeunes adultes des ménages aux revenus les plus élevés ont une probabilité accrue de déclarer une forte consommation épisodique d’alcool mensuelle et une probabilité moindre de déclarer ne pas s’être livrés à une forte consommation épisodique d’alcool et ne pas avoir consommé d’alcool au cours de la dernière année. De même, les jeunes adultes habitant les quartiers les moins défavorisés ont une probabilité accrue de déclarer une forte consommation épisodique d’alcool mensuelle et une probabilité moindre de déclarer ne pas s’être livrés à une forte consommation épisodique d’alcool et ne pas avoir consommé d’alcool. Les jeunes adultes ayant fait des études supérieures ont une probabilité moindre de déclarer ne pas s’être livrés à une forte consommation épisodique d’alcool et ne pas avoir consommé d’alcool au cours de la dernière année.

L’inclusion des rôles d’adulte dans les modèles n’a pas modifié de façon significative l’association des variables du SSE à la consommation d’alcool. Toutefois, certains rôles d’adulte ont aussi été associés de façon indépendante à la consommation d’alcool. Par exemple, les jeunes adultes exerçant des rôles parentaux ou vivant en cohabitation ou mariés ont une probabilité moindre de déclarer une forte consommation épisodique d’alcool mensuelle et une probabilité accrue de déclarer ne pas s’être livrés à une forte consommation épisodique d’alcool et ne pas avoir consommé d’alcool au cours de la dernière année. Les jeunes adultes travaillant à temps plein présentent la tendance inverse : ils sont légèrement plus susceptibles de déclarer une forte consommation épisodique d’alcool mensuelle (résultat non statistiquement significatif) et sont moins susceptibles de déclarer ne pas s’être livrés à une forte consommation épisodique d’alcool et ne pas avoir consommé d’alcool. En dernier lieu, les jeunes adultes vivant avec leurs parents ont une probabilité accrue de déclarer ne pas avoir consommé d’alcool au cours de la dernière année. Dans l’ensemble, nous avons observé les disparités liées au SSE les plus fortes dans les modèles portant sur la non‑consommation d’alcool au cours de la dernière année.

SSE et forte consommation épisodique d’alcool chez les jeunes adultes

La relation entre statut socioéconomique et consommation d’alcool est moins claire chez les jeunes adultesNote de bas de page 26 que chez les adultes ou les adolescents. Alors qu’au sein de la population générale, la recherche sur la forte consommation d’alcool a révélé que les personnes moins scolarisées et dont le revenu du ménage est plus faible sont plus susceptibles de consommer beaucoup d’alcoolNote de bas de page 24, chez les adolescents, l’hyperalcoolisation rapide est plus répandue chez ceux issus de familles ayant un niveau de scolarité élevé, dont le revenu du ménage est élevé et vivant dans des quartiers plus richesNote de bas de page 26Note de bas de page 27Note de bas de page 28. Chez les jeunes adultes, les associations sont variables et dépendent de l’indicateur de SSE analysé.

Le SSE a été opérationnalisé de différentes façons dans les études sur les jeunes adultes, ce qui complique les comparaisons directes. Certaines études, qui ont intégré des mesures d’évaluation du SSE familial (comme le niveau de scolarité des parents, le revenu des parents ou d’autres indicateurs du patrimoine familial), tendent à démontrer que la forte consommation épisodique d’alcool chez les jeunes adultes est associée à un niveau de scolarité supérieur chez les parentsNote de bas de page 29Note de bas de page 30Note de bas de page 31Note de bas de page 32. Cette mesure n’était cependant pas disponible dans l’ESCC. Alors que nous nous attendions à ce qu’une forte consommation épisodique d’alcool mensuelle soit associée à un niveau de scolarité inférieur comme dans la population générale, nous avons constaté que le niveau de scolarité n’était pas associé de façon significative à une forte consommation épisodique d’alcool mensuelle (comparativement à une forte consommation épisodique d’alcool moins d’une fois par mois). Il est probable qu’en matière de consommation d’alcool, les inégalités liées au niveau de scolarité ne se manifestent que plus tard dans la vie.

Peu d’études ont utilisé des mesures du revenu personnel ou de la défavorisation matérielle du quartier. Notre constatation selon laquelle un revenu du ménage plus élevé est associé à une forte consommation épisodique d’alcool mensuelle chez les jeunes adultes conforte les conclusions des études ayant intégré le revenu du ménage ou le revenu personnel à leur analyseNote de bas de page 26Note de bas de page 33. L’une des raisons possibles de cette association est que ces jeunes adultes disposent d’un revenu plus élevé à consacrer à l’achat d’alcoolNote de bas de page 33. Il est également possible qu’une forte consommation épisodique d’alcool fréquente soit une pratique plus acceptée chez les jeunes adultes des ménages et des réseaux sociaux à revenu élevéNote de bas de page 26. L’association positive que nous avons constatée chez les jeunes adultes entre le fait de vivre dans les quartiers les moins défavorisés (les plus riches) et une forte consommation épisodique d’alcool rejoint les résultats de deux étudesNote de bas de page 22Note de bas de page 31, mais pas ceux de deux autres étudesNote de bas de page 34Note de bas de page 35. La défavorisation matérielle du quartier pourrait être liée à la consommation d’alcool par le biais de normes sociales qui soit autorisent, soit découragent une forte consommation d’alcool (ou l’abstinence) ou en raison de la disponibilité en alcoolNote de bas de page 23.

SSE, absence de forte consommation épisodique d’alcool et non‑consommation d’alcool chez les jeunes adultes

Nous avons constaté que l’absence de forte consommation épisodique d’alcool et la non-consommation d’alcool au cours de la dernière année étaient plus fréquentes chez les jeunes adultes moins scolarisés, vivant dans un ménage à faible revenu et vivant dans un quartier plus défavorisé. Les résultats concernant la non-consommation d’alcool concordent avec ceux d’études menées auprès de jeunes adultes en Grande‑Bretagne, en France, aux États‑Unis et en AustralieNote de bas de page 36Note de bas de page 37Note de bas de page 38Note de bas de page 39. Les raisons de l’association entre un SSE inférieur et le fait de ne pas consommer d’alcool ne sont pas bien comprises, bien qu’une mauvaise santé physique ou mentale préexistante puisse avoir une influence sur l’abstinence d’alcool tout au long de la vieNote de bas de page 36.

S’il est de plus en plus reconnu que la consommation d’alcool des jeunes adultes n’a jamais été aussi faible, peu d’études populationnelles incluent les jeunes adultes ne consommant pas d’alcool comme sujet d’analyse. L’abstinence d’alcool est souvent décrite comme une conséquence de problèmes de santé chez les populations générales d’adultes et, ces personnes abstinentes étant jugées trop différentes de la moyenne, elles ne sont pas incluses dans les analyses, car on sait qu’une mauvaise santé sous‑tend à la fois la non‑consommation d’alcool et un faible SSENote de bas de page 36Note de bas de page 40. Toutefois, dans une analyse des tendances en matière de non‑consommation d’alcool chez les jeunes adultes britanniques, Ng Fat et ses collaborateursNote de bas de page 41 ont avancé que l’abstinence gagnait en popularité et qu’une grande partie de cette augmentation proviendrait des jeunes qui ne commencent jamais à consommer de l’alcool bien qu’ils déclarent être en bonne santé. Dans notre étude, presque tous les jeunes adultes (99 %) qui ne buvaient pas d’alcool ont déclaré n’avoir jamais consommé d’alcool : autrement dit, il y avait peu d’« anciens buveurs ».

Le fait que nous ayons constaté une orientation semblable des associations entre un SSE inférieur et l’absence de forte consommation épisodique d’alcool chez les répondants consommant de l’alcool montre également que la non‑consommation n’est pas un comportement aberrant, mais qu’elle fait partie d’un continuum de comportements en matière de consommation d’alcool. Étant donné que le Canada a fait de la consommation d’alcool à faible risque un objectif de santé publique (et qu’il a récemment renforcé ses directives en la matièreNote de bas de page 1), il est important de comprendre les caractéristiques des jeunes adultes ne consommant pas d’alcool. Il serait utile d’étudier l’évolution de la non‑consommation d’alcool chez les jeunes adultes canadiens et de déterminer si les disparités sociales s’amenuisent.

Rôles d’adulte et consommation d’alcool

Nous n’avons trouvé aucune association entre le fait d’être étudiant et la consommation d’alcool. Les données divergent en ce qui concerne la relation entre le fait d’être étudiant et la consommation d’alcool : certaines études ont révélé que la forte consommation épisodique d’alcool est plus répandue chez les étudiants de niveau postsecondaire que chez leurs pairs non étudiantsNote de bas de page 42Note de bas de page 43, tandis que d’autres études n’ont signalé aucune différenceNote de bas de page 44Note de bas de page 45. Nous complétons ces publications en constatant encore une fois l’absence d’association entre le fait d’être étudiant et la consommation d’alcool en contexte canadien.

Les données sur la relation entre consommation d’alcool et emploi chez les jeunes adultes sont rares et incohérentesNote de bas de page 46Note de bas de page 47. D’après nos résultats, le fait de travailler à temps plein peut se révéler un facteur de risque de forte consommation épisodique d’alcool mensuelle chez les jeunes adultes, comme le montrent deux études antérieuresNote de bas de page 45Note de bas de page 48 : cela peut accroître la fréquence de consommation en raison de l’augmentation du revenu ou des occasions sociales de consommation d’alcool avec des collèguesNote de bas de page 45Note de bas de page 46Note de bas de page 49. Nous avons également constaté que le fait d’occuper un emploi à temps plein était inversement associé à l’absence de forte consommation épisodique d’alcool et à l’absence de consommation d’alcool au cours de la dernière année. Ces associations diffèrent de celles ressortant des études menées auprès des adultes en général, qui montrent que la forte consommation épisodique d’alcool est associée au chômageNote de bas de page 15Note de bas de page 24. Cela donne à penser que l’effet de l’emploi peut varier selon le stade de la vie, et que le chômage peut devenir un prédicteur de plus en plus significatif de l’abus d’alcool au cours de la vie, en raison de son incidence grandissante sur l’identité et les finances d’une personne à mesure qu’elle vieillit.

Comme nous l’avions supposé, l’exercice de responsabilités parentales et le fait de vivre en cohabitation ou d’être marié sont des facteurs de protection contre la forte consommation épisodique d’alcool et sont positivement associés à la non‑consommation d’alcool, ce qui a été bien documenté dans d’autres étudesNote de bas de page 5Note de bas de page 36Note de bas de page 50Note de bas de page 51Note de bas de page 52Note de bas de page 53. Nous nous attendions à ce que le fait de vivre avec ses parents réduise la probabilité d’une forte consommation épisodique d’alcool mensuelle, comme le montrent d’autres études, mais nos constatations ne sont pas statistiquement significativesNote de bas de page 44Note de bas de page 54. Toutefois, le fait de vivre avec ses parents a été positivement associé au fait de n’avoir jamais consommé d’alcool au cours de la dernière année. L’un des mécanismes proposés pour expliquer l’augmentation du nombre de jeunes adultes qui ne consomment pas d’alcool est la proportion croissante de jeunes adultes qui vivent chez leurs parents tout au long de la vingtaineNote de bas de page 55.

Points forts et limites

Le principal point fort de cette étude réside dans les qualités méthodologiques de l’ESCC, un vaste échantillon national comprenant de jeunes adultes non étudiants ou n’ayant pas fait d’études universitaires. Toutefois, cette étude est transversale et ne peut donc confirmer un lien de causalité entre SSE et consommation d’alcool. De plus, la base de données évaluait la fréquence d’une forte consommation épisodique d’alcool, mais pas les quantités consommées par épisode. Nous n’avions donc pas de mesure de la consommation intensive d’alcool (définie comme 8 verres d’alcool ou plus en une seule occasion pour les femmes et 10 verres pour les hommesNote de bas de page 2), ce qui mériterait d’être approfondi, étant donné que la forte consommation épisodique d’alcool est courante dans ce groupe d’âge. Nous n’avons pas non plus tenu compte du statut d’immigrant ou de l’âge au moment de la migration (associé à une non‑consommation d’alcool et à une forte consommation épisodique d’alcool)Note de bas de page 56, ce qui aurait pu atténuer les résultats. En dernier lieu, environ 12 % de l’ensemble de données pondéré a été exclu de l’analyse en raison de données manquantes. Cela comprenait tous les répondants des trois territoires du Canada, ce qui fait que les résultats de cette étude pourraient ne pas être généralisables aux jeunes adultes vivant dans les territoires.

Retombées

Nous avons utilisé trois indicateurs du SSE, qui sont susceptibles de refléter des ressources et des circonstances de vie différentes et non interchangeables. Comme prévu, les indicateurs se chevauchaient quelque peu et l’orientation des associations est demeurée la même quel que soit l’indicateur de SSE, quoique les associations aient été atténuées une fois incluses dans les modèles combinés du SSE. Nous avons utilisé le niveau de scolarité comme composante du SSE en ce qui concerne le comportement en matière de consommation d’alcool parce qu’il peut avoir une influence sur les normes et les attitudes, tandis que le revenu du ménage peut avoir une influence sur la capacité d’achat. La défavorisation matérielle du quartier est susceptible de rendre compte du contexte environnemental, notamment les normes de consommation d’alcool de la communauté et la disponibilité de points de vente d’alcool. Alors que tous les indicateurs du SSE ont été associés positivement à une forte consommation épisodique d’alcool mensuelle, seul le quintile de revenu du ménage le plus élevé a affiché une association statistiquement significative. Tous les indicateurs du SSE ont été inversement associés à la non-consommation d’alcool, ces associations étant plus fortes que dans les modèles de forte consommation épisodique d’alcool mensuelle. L’une des raisons plausibles pour lesquelles la forte consommation épisodique d’alcool est plus répandue chez les jeunes adultes favorisés sur le plan socioéconomique pourrait être que, contrairement au tabagisme, elle n’est pas largement considérée comme un risque pour la santé et n’est pas stigmatisée socialementNote de bas de page 57.

Les données probantes recueillies dans le cadre de cette étude et dans d’autres recherches montrent que la relation entre SSE et forte consommation épisodique d’alcool n’est pas la même chez les jeunes adultes et chez la population adulte en généralNote de bas de page 58, bien que nous ayons constaté que l’association entre SSE et non‑consommation d’alcool chez les jeunes adultes suit la même tendance que dans la population adulte en général. La compréhension du rôle des facteurs socioéconomiques à l’égard des habitudes de consommation d’alcool des jeunes adultes, à mesure qu’ils adoptent des rôles d’adulte, aiderait à définir des cibles de prévention. Alors qu’un récent examen de la portée a révélé que la plupart des interventions de courte durée concernant la consommation d’alcool chez les jeunes adultes ont lieu dans les établissements scolaires de premier cycleNote de bas de page 14, nos résultats laissent penser que les initiatives de prévention pourraient être étendues aux jeunes adultes occupant un emploi à temps plein.

Des baisses de la consommation d’alcool chez les jeunes adultes ont été rapportées dans de nombreux paysNote de bas de page 39Note de bas de page 59. Cette tendance offre des occasions de normaliser une consommation d’alcool plus modérée, surtout dans les contextes où la socialisation est liée à une culture de consommation excessive d’alcool (par exemple au début des études postsecondaires, lors de sorties avec des amis ou des collègues)Note de bas de page 60. Toutefois, les données probantes les plus solides concernant la prévention des méfaits liés à la consommation d’alcool proviennent de politiques générales qui ciblent l’abordabilité, la disponibilité physique et la promotion de l’alcoolNote de bas de page 59. Ces mesures peuvent également encourager une consommation restreinte d’alcool et sont pertinentes pour les jeunes adultes (qui sont sensibles au prix de l’alcool et sont ciblés par la publicité numérique)Note de bas de page 59, ainsi que pour les adolescents. Il est plus efficace d’utiliser une combinaison de politiques sur l’abordabilité, la disponibilité et la promotion de l’alcool qu’une seule de ces mesuresNote de bas de page 61.

Bien que notre étude n’ait pas porté sur les méfaits, il est à noter que l’existence d’un paradoxe alcool‑méfaits est de mieux en mieux connue, à savoir que les méfaits de l’alcool (hospitalisation, décès, etc.) touchent plus durement les groupes à faible SSE, malgré une consommation inférieure. Dans la population adulte générale, les personnes à faible SSE subissent des méfaits disproportionnés par rapport à leur niveau de consommation d’alcoolNote de bas de page 62. Un ensemble grandissant de données probantes laisse penser que ce paradoxe existe également chez les adolescentsNote de bas de page 63Note de bas de page 64 et les jeunes adultesNote de bas de page 65, les jeunes adultes à faible SSE étant plus vulnérables aux méfaits causés par l’alcool comme la violence, les blessures, l’hospitalisation et les démêlés avec la police. L’une des raisons de cette vulnérabilité accrue des jeunes adultes à faible SSE serait que leurs ressources ne leur fournissent pas l’effet protecteur dont bénéficient leurs pairs plus aisésNote de bas de page 26Note de bas de page 31.

Conclusion

Les associations entre SSE et forte consommation épisodique d’alcool mensuelle chez les jeunes adultes diffèrent de celles observées chez les adultes en général et font ressortir l’importance des évaluations multidimensionnelles du SSE. Une forte consommation épisodique d’alcool mensuelle chez les jeunes adultes a été associée à un revenu du ménage plus élevé. Elle a également été associée, mais de façon non significative, au fait de vivre dans les quartiers les moins défavorisés. Chez les jeunes adultes, le fait de ne pas consommer d’alcool et de ne pas se livrer à une forte consommation épisodique d’alcool a été associé à de faibles niveaux de scolarité, de revenu et d’avantages liés au quartier. On sait que les politiques structurelles ciblant l’abordabilité, la disponibilité et la promotion de l’alcool sont efficaces pour réduire la consommation d’alcool chez les jeunes adultes. Ces mesures de prévention universelles pourraient être complétées par des approches ciblées visant les populations de jeunes adultes à risque accru de forte consommation épisodique d’alcool.

Remerciements

SS détient une bourse de recherche postdoctorale du Centre de recherche du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke. MS est titulaire d’une chaire de recherche du Canada de niveau 2 sur l’équité en santé urbaine et les jeunes (2020‑2025).

Conflits d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.

Contributions des auteurs et avis

Conception : SS, MS. Analyse et rédaction de la première version du manuscrit : SS. Rédaction, relectures et révisions : SS, MS, TG.

Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteurs; ils ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.

Page précedente | Table des matières |

Détails de la page

Date de modification :