In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • L'homme Qui Brûle by Alban Lefranc
  • Suzie Suriam Wordofa
Lefranc, Alban. L'homme qui brûle. Rivages, 2019. ISBN 978-2-7436-4819-0. Pp. 250.

Le ton est donné dès le début. En plaçant son roman sous le signe d'un recueil de poèmes de Michaux écrit au plus chaud de la Deuxième Guerre mondiale, l'auteur nous convie à un exercice d'écriture salvateur dont le but—comme le souligne Michaux même dans Épreuves, exorcismes—est de "tenir en échec les puissances environnantes du monde hostile". L'époque est différente, mais pas tant. Le narrateur, Luc Jardie, porte le nom du double fictionnel du philosophe et héros de la Résistance Jean Cavaillès dans L'armée des ombres, film de Jean-Pierre Melville. Il évolue dans un Paris apocalyptique, où règne le terrorisme, et a pour tout repère-refuge "la bibliothèque de la maison Heine, posée dans l'herbe au milieu du parc de la Cité internationale" (10–11), une sorte de no man's land où cohabitent les langues, les époques et les fantasmes. "C'est en allemand que le nom déploie tous ses effets, si je fais l'effort de prononcer les trois H aspirés: Heinrich-Heine-Haus" (11) précise-t-il avant d'enchaîner "Ich lese Ernst Bloch im Heinrich-Heine-Haus" (12). Il cite longuement ses sources sur Thomas Münzer, prédicateur révolutionnaire du début du seizième siècle. Elles nourrissent LE PROJET, son œuvre en devenir pour laquelle il a obtenu une bourse de l'Institut national du roman français (INRF). Ce PROJET sert de pare-feu à ses névroses aux aguets: masturbation, films pornos, photos intimes envoyée à Mavra, ersatz de Megan Smile, une actrice fétiche du cinéma porno californien. L'anglais détrône l'allemand, prend d'assaut la pensée et le texte de L'homme qui brûle. Fleurissent les hashtags—signes de reconnaissance d'une génération à laquelle il n'appartient pas. "Megan est à la fois #skinny, #short, #teen, #barelylegal (osseuse, petite, adolescente, à peine légale)" (17). Avec Jérôme, son ami toxicomane en partance pour New York, il revisite sa propre adolescence et sa relation avec "la fille du charcutier de gros bourg" (21), sa mère dévoreuse de mots. Après la fin tragique de l'ami d'enfance, le fantasme et la réalité s'entrechoquent. D'autres textes viennent grossir ou fragmenter la voix du narrateur, nourrir ou spolier LE PROJET: Poèmes Chevalier Poil de Cul (121–23) et Cheveux sur la soupe (228–32), épîtres, textos, prières, prophéties, références bibliques, littéraires, philosophiques et cinématographiques. S'y mêle la voix d'Alexandre, colocataire honni qui prophétise: "Le futur est imminent et apocalyptique" (119–20). Le fils parvient-il à "sursumer" (145) la mère au terme de retrouvailles à Saint-Lô, ville dont les terroristes ont eu raison? LE PROJET voit-il le jour malgré le "Je n'écrirai jamais ce livre! Ah ah ah! Jamais!" (260) lancé comme un défi à l'INRF? Le narrateur décline des titres: L'homme qui brille?, L'homme qui braille?, L'homme avalé? (249). Il [End Page 246] n'en retient aucun. À moins que LE PROJET ne soit en définitive L'homme qui brûle, dont Alban Lefranc s'est fait le scribe. Une seule certitude: ce roman en marge des narrations classiques n'offre pas de réponses toutes faites.

Suzie Suriam Wordofa
Defense Language Institute (CA)
...

pdf

Share