The French Review

Le petit chaperon rouge, Cendrillon, La belle au bois dormant, Le chat botté, Barbe bleue: Charles Perrault reste associé aux contes rédigés au soir de sa vie et merveilleusement illustrés au dix-neuvième siècle par Gustave Doré. Ces célèbres contes ont été une source d'inspiration heureuse pour de nombreux artistes tels que Tchaïkovski, Jacques Demy ou Walt Disney. Cette biographie écrite à l'aide de sources inédites découvertes en 2016 lève bien des hypothèses sur la vie de l'écrivain. Bouchenot-Déchin expose le destin de Perrault en quatre parties: ses origines et sa formation, sa promotion aux côtés de Colbert, le déclin de sa carrière et, finalement, la disgrâce. L'aspect le plus développé de cette biographie présente un Perrault serviteur de l'administration royale. Commis de Colbert à la surintendance des Bâtiments, il participe au grand projet que fut la construction de Versailles: "Perrault rédige les comptes rendus, veille au paiement des ouvriers et fait procéder à une double vérification des comptes" (129). De cette fonction, Perrault revendique l'idée de plusieurs aménagements, dont la grotte de [End Page 198] Thétis, et il attribue à son frère Claude l'allée d'eau sans indiquer la participation de Le Nôtre, pourtant contrôleur général des Bâtiments. Mais les rivalités de pouvoirs et d'influences sont monnaie courante à la cour. Aussi la vie de Perrault est-elle d'abord celle d'un clan dont le plus jeune, Charles (à l'image du Petit Poucet), "va jouer un rôle essentiel sinon pour la fortune du moins pour la défense des siens" (33). Les Perrault sont cinq frères, et Charles réussit à lancer la carrière de Claude en faisant valoir ses talents de dessinateur. Comme le souligne Bouchenot-Déchin, au dix-septième siècle, "ce sont des clans qui réussissent" (101). Le succès de Perrault est aussi celui d'un académicien. Élu dans la vénérable institution en novembre 1671, il en devient la même année chancelier pour en réformer les règles: horaires des réunions fixes, jetons de présence, installation au Louvre, reprise de la rédaction du dictionnaire, lecture publique des discours de réception. L'Académie française est aussi le lieu d'affrontement privilégié entre partisans de la tradition littéraire remontant à l'Antiquité (les Anciens) et ceux qui défendent la "supériorité de l'art français" (142). Perrault, en tant que champion des Modernes, s'attaque volontiers à Racine et Boileau: "La belle Antiquité fut toujours vénérable; / Mais je ne crus jamais qu'elle fût adorable" (252). Enfin, cette biographie fait référence à des ouvrages moins connus de Perrault tels que Le banquet des dieux (1682), L'oublieux (1691) ou Les hommes illustres (1696). Quant à L'apologie des femmes (1694), y sont soulignées les valeurs humaines de l'écrivain qui fit un mariage financièrement désintéressé, privilégiant sa recherche du bonheur: "Ils ne comprennent point que pour vivre content, / Le choix de la personne est le plus important" (153). Bien que veuf avec des enfants en bas âge, Perrault ne se remariera pas. Une spécificité parmi d'autres que l'auteure de cette biographie ne manque pas de souligner.