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Reviewed by:
  • Black Bazar
  • Koffi Anyinefa
Mabanckou, Alain. Black Bazar. Paris: Éditions du Seuil, 2009. ISBN 9782020973373. 247 p.

Permettons-nous de jouer au jeu de références littéraires auquel s’est illustré l’auteur lui-même dans Verre Cassé (2005) et qu’il continue dans le roman qui fait l’objet de ce compte rendu. En voici quelques-unes. Côté critique, Black Paris de Benetta Jules-Rosette (1998) et Black France de Dominic Thomas (2007); côté roman, Agence Black Bafoussa d’Achille N’goye (1996) et Black micmacs, aujourd’hui un peu oublié, de Félix Bankara (1988). Au lecteur de mettre à l’épreuve ses propres connaissances littéraires et de continuer ce jeu. Sans doute, [End Page 287] faut-il lire le dernier roman de Mabanckou dans la lignée de ces textes témoignant d’une présence ‘black,’ africaine, désormais hautement visible en France. Fessologue, le narrateur et héros du roman, vit en France depuis quinze ans. Sa compagne, Couleur d’origine (ainsi nommée parce qu’elle est très noire de peau), l’abandonne, emmenant avec elle Henriette, leur fille. En fait, elle est rentrée au Congo avec l’Hybride, un compatriote congolais. Pour noyer son chagrin, il se procure une machine à écrire et commence la rédaction de Black Bazar. Á la fin du texte, alors qu’il est près de boucler les dernières pages de son manuscrit, Sarah, une Franco-Belge, devenue sa maîtresse, lui annonce qu’elle aimerait qu’il vienne habiter chez elle. Il va probablement accepter l’offre: au début du prologue, il exprimait déjà sa volonté de quitter le plus tôt possible l’appartement qu’il partageait avec Couleur d’origine dans le treizième arrondissement: “Quatre mois se sont écoulés depuis que ma compagne s’est enfuie avec notre fille et L’Hybride, un type qui joue du tam-tam dans un groupe que personne ne connaît en France, y compris à Monaco et en Corse. En fait, je cherche à déménager d’ici” (9). Si c’est le cas, c’est Yves, l’Ivoirien tout court, qui va être content: Fessologue ferait ainsi payer aux deux anciennes puissances coloniales dont est issue Sarah, la France et la Belgique, leur dette coloniale!

Ainsi, Black Bazar est constitué d’une série de retours en arrière dans lesquels Fessologue raconte comment il a rencontré Couleur d’origine et a vécu avec elle. Il évoque son travail déplaisant dans une imprimerie à Issy-Les-Moulineaux et surtout ses visites fréquentes au Jip’s, un bar afro-cubain du premier arrondissement que fréquentent des personnages d’origine africaine: Roger, le Franco-Ivoirien, Yves, l’Ivoirien tout court, Vladimir le Camerounais, Paul du Grand Congo, dit Saint-Esprit, Pierrot Le Blanc du Petit Congo, Olivier du petit Congo, Patrick le ‘Scandinave’ et Bosco le ‘Tchadien errant.’ Comme on le voit, Mabanckou sait, à travers les surnoms qu’il leur attribue, donner vie à ses personnages. Il faut aussi songer au voisin de palier du narrateur, Hypocrate, un Noir Antillais raciste et négrophobe, et à Djamal l’Arabe du coin (dont le magasin ne se trouve pourtant pas au coin de la rue), grand admirateur d’Aimé Césaire. L’espace manque pour reprendre ici tous les détails de ces portraits pittoresques. Rappelons seulement que chacun des personnages de Mabanckou est spécialiste d’un discours particulier qui sert à le caractériser. Fessologue, par exemple, tient son nom de ses amis consacrant ainsi son obsession des derrières de femmes sur lesquels il a développé toute une science. En fait, il est tombé amoureux de Couleur d’origine à cause de son divin derrière: “Moi j’étais heureux, j’avais trouvé chez Couleur d’origine le derrière de mes rêves, le roi n’était plus mon cousin et j’étais fier comme Artaban . . . ” (68).

De son commerce avec les personnages du roman, de leurs discussions, parfois sérieuses, parfois cocasses et truculentes, le narrateur parvient à nous peindre, pour ainsi dire de l’intérieur, le bazar africain de Paris: c’est...

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