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Laurence Alfonsi. L’Île ronde. Dole (France) : Gunten, Collection « Adélaïde », 2006. 173 pp. 17 euros. sc.

La sociologue française Laurence Alfonsi publie son premier roman, qu’elle situe [End Page 241] principalement sur une île en Ontario, non loin de Kingston. L’intrigue pourrait se résumer ainsi: le narrateur, un voyageur européen de passage à Montréal, se rend en bateau dans la région des Mille-Îles pour une visite touristique qui bouleversera toute sa vie. Il remarque par hasard une île parmi tant d’autres et décide d’y accoster. Une fois sur cette petite île, le visiteur fait la rencontre d’une femme étrange et fascinante, née de l’union d’un Amérindien et d’une Européenne, qui lui fera découvrir les richesses de la culture et la spiritualité autochtones. Mais ce voyageur logeant à “l’Auberge de la longue halte” connaîtra sur place une expérience insolite et totalement imprévue.

Du strict point de vue de l’histoire littéraire et de la littérature comparée, ce roman initiatique de Laurence Alfonsi fait partie de cette catégorie d’oeuvres fictives écrites par des auteurs européens et dont l’action se situe quelque part au Canada, comme l’avaient fait au siècle dernier l’écrivain français Louis Hémon (1880–1913) avec son roman posthume Maria Chapdelaine (1914), mais aussi le promoteur belge Ferdinand van Bruyssel (1856–1935) avec son roman historique — largement auto-biographique — intitulé Jean Vadeboncoeur et Marie-Anne Lafrance, Canadiens-français (1934). Dans le cadre de son travail de sociologue, Laurence Alfonsi s’était déjà rendue à quelques reprises au Québec pour y donner des conférences et effectuer des recherches.

Ce bref roman comporte plusieurs points forts: un sens certain du récit, un style élégant, un vocabulaire recherché, avec de nombreuses références littéraires et ciné-matographiques. En outre, la description faite ici d’un Ontario imaginaire, avec ses références géographiques, historiques et sociales, permettent de saisir la teneur de certaines représentations du Canada dans l’esprit d’un observateur d’outre-mer. Cette vision est à la fois généreuse, parfois fascinée et onirique. A mon avis, le lecteur éventuel ne devrait pas tant chercher à vérifier la véracité des faits mentionnés et l’exactitude des noms de lieux; il faudrait au contraire considérer l’imaginaire ici décrit, au-delà de ses indéniables qualités littéraires, comme étant un révélateur élo-quent quant à l’image du Canada à l’étranger, avec son caractère évocateur réunis-sant les aspects qui intéressent le plus les observateurs provenant de France ou d’ailleurs. En fait, les lieux présentés ici symbolisent d’abord le territoire inexploré ou inaccessible, le vestige d’un paradis perdu. Ainsi, les références aux Bochimans d’Afrique australe remplissent également cette même fonction de décrire un lieu à la fois insolite, méconnu, évocateur et éloigné (97). Le titre même, L’Île ronde, qui serait située dans un archipel canadien, demeure volontairement vague, puisqu’il existe plusieurs îles de ce nom sur les cartes du Canada, tant en anglais qu’en français.

Ce bel ouvrage conviendra autant à un jeune public qu’à un lectorat plus académique voulant découvrir des impressions d’un Canada imaginaire au début du 21e siècle. Cependant, ce roman particulier ne se trouve pas dans les librairies du [End Page 242] Canada; le lecteur devra le commander directement à l’éditeur: Éditions Gunten, 10 place Boyvin, B.P. 144, 39101 Dole, France.

Yves Laberge
Institut québécois des hautes études internationals, Université Laval

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