Étude de casLes risques d’une consommation addictive d’argile ou de kaolin chez la femme enceinte : à propos de 3 casRisks of addictive clay or kaolin consumption in pregnant women: Three cases reports
Introduction
La consommation de kaolin est une pratique culturelle très répandue dans certains pays d’Afrique notamment par habitude culturelle comme coupe-faim, comme antiacide ou antiémétique [1], [2]. Le kaolin est une argile blanche utilisée pour la fabrication de la porcelaine, dans l’industrie du papier et de la cosmétique [3]. Le kaolin est composé principalement de kaolinite (Al2Si2O5(OH)4), c’est-à-dire de silicate d’aluminium hydraté [3]. En Afrique de l’ouest, il est utilisé dans les peintures corporelles et il est également traditionnellement consommé par voie orale. Il est très prisé des femmes et des enfants [1]. Son usage chronique dans ces pays est lié à l’état physiologique de la grossesse poussant les femmes enceintes à consommer le kaolin pour pallier aux nausées, aux diarrhées, aux douleurs abdominales et d’autres symptômes de la grossesse et, dans certains cas, pour apaiser leur faim [4]. D’après la littérature, la prévalence de consommation de kaolin chez les femmes enceintes africaines serait aux alentours de 35 % concernant les migrants en France métropolitaine [2].
Actuellement, dans la littérature, il existe des cas rapportés d’anémie arégénérative microcytaire ferriprive dans ce contexte [1]. Plusieurs études suggèrent un risque potentiel d’intoxication par les métaux lourds puisque le kaolin contiendrait, en plus de l’aluminium, des quantités variables d’arsenic, de plomb, de bore et de nickel [1], [4]. Il diminuerait également l’absorption des vitamines, des micronutriments et des médicaments. Indirectement, Allen et al. démontrent que le risque de naissance prématurée et de faible poids à la naissance est augmenté chez les femmes enceintes anémiées hors consommation de kaolin [5]. Il pourrait enfin y avoir un risque infectieux lié à d’éventuels contaminants dans l’argile [6]. Ces risques et les conséquences sur le fœtus sont encore très peu documentés dans la littérature.
Nous rapportons ici trois cas de femmes enceintes consommant du silicate d’aluminium sous forme de kaolin ou de coomba, que ce soit par pratique culturelle ou syndrome de Pica, et dont un cas a bénéficié d’une analyse qualitative et quantitative d’un échantillon du kaolin consommé.
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Source des données
Les cas d’intoxication à l’argile ont été extraits de la Base nationale des cas d’intoxication (BNCI). Seuls les cas de consommation de kaolin et de coomba avérée chez la femme enceinte signalés au Centre antipoison et de toxicovigilance d’Angers et survenus entre 1999 et 2021, ont été inclus.
Pour chaque cas inclus, différents éléments ont été analysés : l’âge, le sexe, les antécédents, le poids, l’agent ingéré et si présence d’un co-ingestion d’autres agents, les caractéristiques de
Patiente 1
Une femme de 22 ans, d’origine camerounaise, sans antécédents, enceinte de 26 semaines d’aménorrhée, contacte le centre antipoison car elle consomme depuis une semaine un « petit caillou » de kaolin (silicate d’aluminium) une fois par jour, dans le cadre d’une addiction et par habitude culturelle, et s’inquiète pour sa grossesse. La patiente n’avait présenté aucun symptôme pendant cette consommation. Le kaolin a été acheté dans une boutique africaine localisée en France et qui importe du kaolin
Discussion
La prévalence des cas d’ingestion de kaolin chez des femmes enceintes est très faible en population générale [9]. Seuls 2 cas concernant une consommation chronique de kaolin chez la femme enceinte ont été retrouvés dans les données du centre antipoison d’Angers sur une période de 22 ans, pour 5 cas au total d’ingestion volontaire d’argile chronique hors grossesse. Il s’agit d’une pratique essentiellement répandue chez des migrantes non caucasiennes (asiatiques au Royaume-Uni et africaines en
Conclusion
La consommation de kaolin est une pratique culturelle très répandue dans certains pays d’Afrique mais dont la prévalence serait faible en population générale [9]. Le risque principal est la survenue d’une anémie, avec les conséquences attendues de l’anémie sur la grossesse et indirectement le nouveau-né. Encore peu de cas rapportés dans la littérature et d’études expérimentales retrouvent une anémie ferriprive suite à l’ingestion de kaolin chez la femme enceinte et le risque sur le nouveau-né
Déclaration de liens d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
Références (15)
- et al.
Kaolinite in pharmaceutics and biomedicine
Int J Pharm
(2017) Anemia and iron deficiency: effects on pregnancy outcome
Am J Clin Nutr
(2000)- et al.
Géophagie et grossesse : état des connaissances et conduite à tenir. Expérience d’une maternité de Guyane française
J Gynecol Obstet Biol Reprod
(2014) - et al.
Severe craving associated with kaolin consumption
Eat Weight Disord
(2019) - et al.
High prevalence of kaolin consumption in migrant women living in a major urban area of France: a cross-sectional investigation. Fernández MA, éditeur
PLoS One
(2019) - et al.
Elemental minerals and microbial compositions as well as knowledge and perceptions regarding kaolin (clay) consumption by pregnant women in the Ho municipality of Ghana
Pan Afr Med J
(2019) - et al.
Quality evaluation of processed clay soil samples
Pan Afr Med J
(2016)