Mise au point
Intérêt de la rééducation fonctionnelle au cours des myopathies inflammatoiresUsefulness of rehabilitation in inflammatory myopathies

https://doi.org/10.1016/j.revmed.2016.08.004Get rights and content

Résumé

La rééducation, longtemps déconseillée, semble aujourd’hui tenir une place prépondérante au sein de l’arsenal thérapeutique des myopathies inflammatoires. La difficulté de son évaluation réside, outre la faible prévalence de ces maladies, dans une triple hétérogénéité : celle, nosologique distinguant les différentes formes de myopathies inflammatoires et leur phase d’activité ; celle ayant trait au critère évalué pour affirmer l’efficacité ou au contraire la dangerosité de l’intervention proposée, et enfin celle concernant la diversité des modalités de la rééducation à entreprendre. Entre 1993 et 2016, on recense une trentaine d’études évaluant la rééducation au sein des myopathies inflammatoires parmi lesquelles on dénombre cinq essais thérapeutiques contrôlés et randomisés, quatre essais contrôlés non randomisés, 15 études de cohorte et sept études de cas. Toutes ces études concluent à la non-dangerosité de la rééducation et certaines montrent une amélioration significative de critères évaluant l’activité de la maladie (comme son retentissement fonctionnel ou sur la qualité de vie) et la fatigabilité. La rééducation, qu’elle soit aérobie, anaérobie ou mixte, nous semble aujourd’hui devoir systématiquement être associée au traitement médicamenteux proposé aux patients atteints de myopathies inflammatoires. D’autres études sont nécessaires pour optimiser les modalités de la rééducation à recommander, pour en comprendre le mode d’action, en quantifier l’impact et pour accroître le niveau de preuve encore trop faible conféré par les études existantes.

Abstract

Rehabilitation, for a long time not recommended, seems today to hold a prominent place within the therapeutic arsenal of inflammatory myopathies. The difficulty of its evaluation, apart from the low prevalence of these diseases, lies in a triple heterogeneity: first that distinguishing the different forms of inflammatory myopathies and the phase where they are active; second, that concerning the endpoint considered to assess the efficiency of the intervention; lastly, the diversity of the rehabilitation programs that can be undertaken. Between 1993 and 2016, about 30 studies estimating the rehabilitation of inflammatory myopathies have been published, among which five randomized controlled trials, four controlled trials, 15 open studies, and seven case reports. All these studies evidence the safety of rehabilitation and some show a significant improvement of the criteria estimating the activity of the disease, its functional impact or the impairment of quality of life and the limitation in daily life activities triggered by the disease. The rehabilitation, whether aerobic, anaerobic or mixed, must today systematically be associated with the pharmaceutic treatment proposed to patients affected by inflammatory myopathies. Other studies are necessary to optimize the rehabilitation methods, to understand their effects and action, and to quantify their impact and provide more trustworthy evidence.

Introduction

Les myopathies auto-immunes (MAI) ou myopathies inflammatoires constituent un groupe hétérogène de maladies acquises responsables d’une faiblesse musculaire, pouvant aussi se traduire par des manifestations extramusculaires : cutanées, pulmonaires, cardiaques ou articulaires. Chez l’adulte, elles sont encore aujourd’hui classées en 4 sous-types : dermatomyosites (DM), polymyosites (PM), myopathies nécrosantes auto-immunes (MNAI) [1] et myosites à inclusions (MI) [2]. Un cinquième sous-type appelé myosite de chevauchement et regroupant le syndrome des antisynthétases [3] et les myosites associées aux connectivites tend à être individualisé. Il faut souligner l’association fréquente avec une néoplasie chez les patients de plus de 50 ans atteints de DM ou de MNAI, association encore renforcée par la présence de certains auto-anticorps [4].

Ces affections se présentent sous la forme d’un déficit moteur aigu ou subaigu, symétrique et proximal (à l’exception de la MI, souvent de début insidieux, asymétrique et touchant volontiers la musculature distale). Les patients atteints de myopathies inflammatoires se plaignent de difficultés croissantes dans la réalisation de tâches impliquant la musculature proximale telles que la montée des escaliers ou le relever d’une chaise. L’oculomotricité est toujours respectée. Quel que soit le type de MAI, une atteinte axiale notamment cervicale avec tête tombante est possible et une dysphagie témoignant d’un déficit musculaire pharyngé doit être systématiquement recherchée. Une faiblesse des muscles respiratoires est le plus souvent le fait de formes évoluées. Une parésie faciale est évocatrice de MI.

La prise en charge thérapeutique débute par une corticothérapie générale. La décroissance doit généralement permettre d’atteindre une posologie minimale efficace en 9 à 12 mois. Bien que le bénéfice de l’association d’un immunosuppresseur en traitement initial ne soit pas démontré, sauf dans le cas des DM juvéniles [5], elle est souvent envisagée en cas de forme sévère ou dans un but d’épargne cortisonique. Les deux traitements les plus utilisés en première ligne sont le méthotrexate et l’azathioprine. Les immunoglobulines polyvalentes ont montré une efficacité transitoire dans les DM et de nombreuses observations amènent à les préconiser dans certaines PM ou MNAI [6].

La plupart des patients répond à cette stratégie thérapeutique avec une régression des signes inflammatoires et une amélioration des performances musculaires. Cependant, peu d’entre eux retrouvent leur état fonctionnel antérieur [7]. De plus, les traitements médicamenteux et notamment la corticothérapie peuvent aggraver l’amyotrophie et sont souvent responsables de troubles métaboliques, d’une hypertension artérielle ou d’une ostéoporose. L’exercice physique a un effet bénéfique sur la composition corporelle, les facteurs de risque cardiovasculaires, la résistance à l’insuline et l’ostéoporose. Pourtant, historiquement, la pratique d’une activité physique n’était pas recommandée chez les patients atteints de myosites de peur d’aggraver l’inflammation et d’entraîner une exacerbation de la maladie. Cette attitude a été aussi inspirée par celle adoptée face aux dystrophies musculaires génétiques où l’activité physique aggrave avec le temps les déficits moteurs. En 1993, furent publiées les premières séries de cas en faveur d’une rééducation dans les myopathies inflammatoires. Bien que de telles études soient peu nombreuses, de petite taille et souvent non randomisées ni contrôlées, toutes concluent à la non-dangerosité d’un programme de rééducation dans ces populations et beaucoup suggèrent une supériorité par rapport à un traitement exclusivement médicamenteux.

Après avoir présenté les différents types de rééducation à entreprendre et les populations auxquelles ils peuvent être proposés, nous étudierons la nature des bénéfices qu’ils peuvent apporter et les méthodes disponibles pour les évaluer pour finalement s’attacher spécifiquement aux études aujourd’hui disponibles.

Section snippets

Quel type de rééducation ?

Comprendre les modalités d’un programme de rééducation nécessite quelques notions de physiologie musculaire. L’adénosine triphosphate (ATP) est la molécule indispensable à la contraction (et à la relaxation) musculaire. Il existe trois voies de production d’ATP au sein des fibres musculaires humaines. La créatine phosphate (CP) est le premier gisement d’ATP, exploité au début de l’activité contractile. La CP donne son phosphate à de l’ADP pour former de l’ATP. Une seule réaction enzymatique

Quel type de myosite ?

Les études évaluant la rééducation des MAI distinguent généralement 4 populations : les myosites (DM, PM, MNAI) en phase active, les myosites en phase non active, les myosites à inclusions et les dermatomyosites juvéniles. Les données les plus nombreuses concernent une population de DM et PM en phase non active. Les données ayant trait à la rééducation de patients en phase active de myosite sont plus restreintes. Deux études ouvertes de petite taille et une étude pilote montraient une bonne

Quel critère de jugement ?

La Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF), dont le fondement théorique est le modèle biopsychosocial, crée un langage standardisé pour la description des divers états de santé. Elle distingue les fonctions organiques et structures anatomiques des individus, leurs activités et les activités auxquels ils participent et les facteurs personnels et environnementaux qui influencent cette participation (OMS, 2001). Ainsi, on distinguera ici trois catégories

Conclusions et recommandations

De l’analyse de l’ensemble des études publiées (Tableau 1), nous retenons avant tout que l’idée selon laquelle l’exercice pourrait accroître l’inflammation au sein du tissu musculaire n’est étayée par aucune des études publiées depuis 1993. On peut donc conclure avec un niveau de preuve satisfaisant à la sécurité de la pratique d’une rééducation chez des patients atteints de myopathie inflammatoire, y compris en phase active. Plus encore, l’ensemble de ces données semble suggérer que la

Déclaration de liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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