Elsevier

Bulletin du Cancer

Volume 108, Issues 7–8, July–August 2021, Pages 740-750
Bulletin du Cancer

Synthèse
Synthèse actualisée des recommandations internationales sur le traitement de la fatigue par des interventions non pharmacologiquesAn updated synthesis of the international recommendations about the use of non-pharmacological interventions in the treatment of fatigue

https://doi.org/10.1016/j.bulcan.2021.02.006Get rights and content

Résumé

Introduction

Malgré sa fréquence et sa pénibilité, la fatigue reste insuffisamment prise en charge en oncologie. En l’absence de traitement médicamenteux efficace, les interventions non pharmacologiques occupent une place thérapeutique essentielle. Elles sont toutefois mal connues des professionnels qui manquent de repères pour orienter en confiance les patients. L’article vise à un meilleur repérage dans ce domaine à travers une synthèse actualisée des niveaux de recommandations et de preuves disponibles.

Méthodes

Une démarche en trois étapes a été adoptée, comprenant (1) une synthèse des référentiels internationaux portant sur les interventions non pharmacologiques dans le traitement de la fatigue en oncologie adulte, (2) une revue systématique des données récentes de la littérature, (3) une comparaison entre synthèse des référentiels et revue de la littérature à visée d’actualisation des niveaux de preuve.

Résultats

Cinq référentiels ont été synthétisés, 111 revues systématiques ont été analysées. Leur comparaison a principalement montré : (1) une convergence en faveur du recours à l’activité physique, aux interventions éducatives et aux thérapies cognitivo-comportementales, avec des niveaux de preuves allant de modérés à élevés ; (2) une consolidation des données d’efficacité à court terme pour les approches basées sur la pleine conscience et le yoga ; (3) la persistance d’une absence de données suffisamment fiables pour établir l’efficacité des autres formes d’intervention.

Discussion

Soutenu par les référentiels internationaux et les données récentes de la littérature, le recours aux interventions non pharmacologiques dans le traitement de la fatigue est un incontournable qu’il reste à faire mieux connaître.

Summary

Introduction

Fatigue is a frequent and disturbing symptom in oncology but remains undertreated. Given the absence of effective drug treatment, non-pharmacological interventions have a prominent place in the treatment of fatigue. However, they are relatively unknown by professionals who lack of clear points of reference to refer patients with confidence. This article aims to improve the knowledge about this therapeutic field through an updated synthesis of the levels of recommendations and available evidence.

Methods

A three-step approach was conducted, including (1) a synthesis of international guidelines on non-pharmacological interventions in the treatment of fatigue among adults in oncology, (2) a systematic review of recent data in the literature, (3) a comparison between the synthesis of guidelines and the systematic review with the aim of updating the levels of evidence.

Results

Five guidelines were synthesized; 111 systematic reviews were analyzed. Their comparison mainly showed: (1) a convergence in favor of the use of physical activity, educational interventions and cognitive-behavioral therapies, with levels of evidence ranging from moderate to high; (2) a consolidation of short-term efficacy evidence to support the use of mindfulness-based approaches and yoga; 3) the persistence of a lack of sufficiently reliable data to establish the efficacy of other types of intervention.

Discussion

Supported by international guidelines and recent data, the use of non-pharmacological interventions in the treatment of fatigue is critical and has to become better known.

Introduction

La fatigue est l’un des symptômes les plus fréquents et perturbants durant et après les traitements du cancer, pouvant affecter jusqu’à 90 % des patients [1]. Bien qu’elle s’estompe globalement au cours du temps, cette fatigue persiste et se chronicise chez environ un tiers des patients, et ce durant parfois plusieurs années à distance des traitements [1], [2]. Elle peut avoir de fortes répercussions dans la vie quotidienne, sur les plans familiaux, sociaux et professionnels, mais aussi financiers, en s’associant souvent à des perturbations émotionnelles, à des difficultés d’adhésion aux traitements, ainsi qu’à une augmentation du recours aux services de soins [3], [4].

En oncologie, elle est définie comme un « sentiment pénible, subjectif, persistant de fatigue ou d’extrême fatigue physique, émotionnelle et/ou cognitive liée au cancer ou à son traitement, non proportionnelle à l’activité récente et qui perturbe le fonctionnement habituel ». Elle diffère de celle habituellement liée à l’exercice physique ou à un effort mental, en laissant souvent l’impression d’un épuisement total et en s’améliorant peu avec du repos [5].

Il s’agit d’un phénomène complexe, multidimensionnel et multifactoriel, influencé par des aspects tant somatiques, que sociaux, émotionnels, comportementaux et situationnels [1], [2], [3]. L’élucidation des mécanismes à l’origine de ce symptôme et de sa persistance demeure partielle et difficile, notamment parce qu’il existe d’importantes variations interindividuelles en termes de sémiologie, de ressenti subjectif et d’évolution [3].

Les recommandations internationales promeuvent un dépistage et une évaluation systématiques en pratique médicale courante [5], [6], [7]. La prise en charge de la fatigue devrait intégrer a minima de l’information et du conseil auprès des patients et de leurs proches, le plus tôt possible et tout au long du parcours de soins. En présence d’une fatigue évaluée de modérée à sévère (intensité supérieure ou égale à quatre sur une échelle allant de 0 à 10), un bilan médical complet est à mener pour identifier les facteurs contributifs au symptôme, en particulier les causes traitables, et écarter l’hypothèse d’une rechute ou d’une progression. Ce bilan comprend de principe un interrogatoire approfondi et un examen physique, éventuellement complétés par des analyses biologiques et des explorations d’imagerie [5], [6].

Aucun médicament à ce jour n’a montré suffisamment d’efficacité pour être retenu comme traitement symptomatique de référence. En revanche, plusieurs interventions non pharmacologiques sont considérées comme des options thérapeutiques valides, en particulier l’activité physique et les thérapies cognitivo-comportementales (thérapies brèves centrées sur la résolution de problèmes). Ces interventions agiraient à travers différentes voies (ex. : réduction de l’inflammation, changement des comportements et des modes de vie, modifications des schémas de pensées…) [4], [8], [9].

En pratique, les recommandations pour la prise en charge de la fatigue sont peu suivies, en partie notamment parce qu’elles sont mal connues [10]. La place prépondérante des interventions non pharmacologiques, en l’absence de traitement médicamenteux de référence, participe vraisemblablement à la difficulté pour les professionnels de santé de s’approprier les recommandations, dans la mesure où ces pratiques, désignées aussi comme complémentaires ou alternatives, leur sont moins familières. En outre, elles recouvrent des approches très diverses, ne sont pas toujours accessibles sur l’ensemble du territoire national et ne sont pas remboursées par l’assurance maladie [11].

Pour aider à un meilleur repérage des professionnels de santé dans ce qu’il est possible de proposer aux patients pour soulager leur fatigue, une fois les causes médicalement traitables écartées (ex : anémie, dysfonctionnement thyroïdien…), il nous est apparu utile de faire ressortir des référentiels internationaux les points de consensus concernant le recours aux différentes formes d’interventions non pharmacologiques et de clarifier les zones d’incertitude restantes, en produisant un document synthétique.

Cette démarche de clarification s’inscrit dans le projet de recherche STEPPING-STONe-1 (Première phase d’un programme de recherche par étapes pour le développement de solutions de soutien innovantes dans la prévention et la prise en charge de la fatigue en oncologie), qui a pour finalité d’élaborer différentes solutions d’aide à destination des patients fatigués durant et après traitement du cancer. Elle correspond à la recherche bibliographique entreprise pour constituer la base documentaire scientifique du projet.

Le présent article rend compte des étapes et des conclusions de cette démarche bibliographique critique avec pour objectif de proposer aux professionnels de santé des repères actualisés par rapport aux interventions non pharmacologiques vers lesquelles ils peuvent orienter les patients rapportant de la fatigue dans le cadre du cancer (hors contexte des soins palliatifs).

Section snippets

Méthodes

La stratégie méthodologique, suivie entre janvier et mai 2020, a consisté en trois étapes :

  • une synthèse des recommandations internationales portant sur le recours aux interventions non pharmacologiques dans le traitement de la fatigue en oncologie adulte ;

  • une revue systématique des données récentes de la littérature ;

  • une comparaison des données issues de la synthèse des référentiels et de la revue de la littérature pour une actualisation des niveaux de preuve, comme guide à l’orientation.

Synthèse des référentiels internationaux

La synthèse des niveaux de preuves et de recommandations établis par les référentiels de pratique clinique internationaux, pour chaque intervention non pharmacologique, est présentée dans le tableau II. Cette synthèse a mis en évidence des différences dans le classement des interventions et dans le type d’interventions retenues pour le traitement de la fatigue liée au cancer. L’activité physique est ressortie comme l’intervention la plus fréquemment et unanimement recommandée, avec le plus fort

Discussion

Le croisement des recommandations internationales portant sur le recours aux interventions non pharmacologiques dans le traitement de la fatigue en oncologie adulte avait premièrement pour objectif de préciser les points de convergence et de divergence, afin de délimiter les zones de consensus qui puissent servir de repères fiables aux professionnels de santé pour orienter leur pratique clinique au quotidien. Secondairement, la réalisation d’une revue systématique des données de synthèse les

Conclusion

Le recours aux interventions non pharmacologiques dans le traitement de la fatigue en oncologie est soutenu de manière consensuelle par l’ensemble des recommandations internationales et par les données les plus récentes de la littérature. L’activité physique bénéficie du plus haut niveau de preuves d’efficacité et ressort des premières indications thérapeutiques. D’autres ressources thérapeutiques, telles que les stratégies d’aide à la gestion de symptômes, les thérapies

Déclaration de liens d’intérêts

les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Remerciements

à l’Institut National du Cancer pour son soutien financier au projet d’amorçage STEPPING-STONe-1.

Références (20)

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Cited by (0)

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