Réunion de neuroanesthésie
Sodium, osmolarité plasmatique et volume cérébralPlasmatic osmolarity and cerebral volume.

https://doi.org/10.1016/S0750-7658(00)00283-5Get rights and content

Résumé

En situation physiologique, l'osmolarité des liquides extracellulaires (LEC) et la natrémie sont contrôlées par deux mécanismes de régulation modulant respectivement le bilan hydrique et les sorties de sodium à partir des informations recueillies, pour l'un, par les osmorécepteurs et, pour l'autre, par les barorécepteurs. En situation physiologique, l'eau et les électrolytes destinés aux LEC de l'encéphale sont sécrétés par les cellules endothéliales des capillaires cérébraux, et il existe une isotonicité de part et d'autre de la barrière hématoencéphalique (BHE). En cas de désordre de l'osmolarité systémique se produit au niveau de la BHE un mouvement hydrique alors soumis aux lois de l'osmose. On observe une déshydratation cérébrale en cas d'hyperosmolarité plasmatique et un œdème cérébral dans le cas contraire. Cependant, les désordres de l'osmolarité plasmatique ont moins d'effet sur le volume cérébral quand leur installation est lente. En expérimentation aiguë, la variation mesurée du contenu cérébral en eau est inférieure à la variation calculée. Cette observation évoque l'existence d'un mécanisme d'adaptation : il s'agit de l'osmorégulation cérébrale. Celle-ci limite la variation du volume des cellules cérébrales en modulant leur contenu en molécules osmoactives. Ces dernières sont, d'une part, des électrolytes, mobilisés aussi rapidement que précocement et, d'autre part, des osmoles organiques (acides aminés, etc.) impliquées de façon lente et retardée. L'existence de ce phénomène est à prendre en compte dans le traitement des désordres de l'osmolarité. Ainsi, le risque du traitement d'une dysnatrémie est lié à l'inversion thérapeutique du gradient osmotique au niveau de la BHE. Cette inversion, qui représente alors un deuxième stress osmotique, nécessite une nouvelle procédure d'osmorégulation cérébrale en sens inverse de la précédente et la succession des stress osmotiques diminue l'efficacité de l'osmorégulation cérébrale. C'est ainsi que le traitement trop incisif de l'hyponatrémie chronique expose au risque de déshydratation cérébrale et de myélinolyse centropontine. Enfin, les choix des solutés à perfuser en neurochirurgie et l'osmothérapie se fondent également sur les relations existant entre osmolarité plasmatique et cerveau.

Abstract

Under normal physiological conditions, the osmolarity of extracellular fluids (ECFs) and natremia are controlled by two regulatory mechanisms modulating the water balance and sodium outflow from information collected by the osmoreceptors and baroreceptors, respectively. As well, under normal physiological conditions, water and electrolytes of brain ECFs are secreted by the endothelial cells of brain capillaries. Futhermore, isotonicity is present on both sides of the blood-brain barrier. In the event of systemic osmolarity disorders, water transport subjet to osmosis laws occurs at the level of the blood-brain barrier. In the case of plasmatic hyperosmolarity cerebral dehydration is observed, while cerebral edema occurs in the contrary case. However, plasmatic osmolarity disorders have less effect on the cerebral volume when their introduction is slow. Experimentation in acute conditions shows that measured variations of the cerebral water content are lower than calculated variations, thus suggesting the existence of an adaptive mechanism, that is, the cerebral osmoregulation which limits the variation of the volume of brain cells by modulating their osmoactive molecule content. These osmoactive molecules are, on the one hand, the electrolytes, which are early and rapidly mobilized, and, on the other hand, the organic osmoles (amino acids, etc.), whose secretion is slower and delayed. This phenomenon should be taken into account in the treatment of osmolarity disorders. Thus, the related-risk of treatment for natremia disorders is therapeutic reversal of the osmotic gradient at the level of the blood-brain barrier. This reversal, which corresponds to a second osmotic stress, requires the implementation of a new procedure of cerebral osmoregulation in the opposite direction of the preceding one. As successive osmotic stresses decrease the effectiveness of brain osmoregulation, the risk for cerebral dehydration and pontine myelinolysis increases when the treatment of chronic hyponatremia is too aggressive. Finally, the choices for infusion solutions in neurosurgery and treatment for osmolarity disorders are also based on the relationships that exist between plasmatic osmolarity and the brain.

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Barrière hématoencéphalique

Les premières données expérimentales faisant envisager l’existence d’une « barrière » séparant l’encéphale du reste de l’organisme remontent au xixe siècle, avec l’observation d’une différence de distribution cérébrale entre colorants acides et basiques. Administrés par voie systémique, seuls les seconds colorent le cerveau.

La BHE (sang-parenchyme) est constituée par les cellules endothéliales des capillaires cérébraux, une lame basale et les prolongements astrocytaires périvasculaires. Entre

Variations de l’osmolarité plasmatique, barrière hématoencéphalique et volume cérébral

En situation physiologique, l’osmolarité des LEC est la même des deux côtés de la BHE. En cas de désordre de l'osmolarité plasmatique, un gradient osmotique se constitue de part et d’autre de la BHE, responsable d’un mouvement d’eau obéissant aux lois de l’osmose. En situation d’hypo-osmolarité plasmatique, apparaît un œdème cérébral osmotique intracellulaire et celui-ci peut conduire à une hypertension intracrânienne (HIC). À l’inverse, en situation d’hyperosmolarité circulante, il y a

Hypernatrémie

L’hyperosmolarité plasmatique peut être liée au sodium, aux sucres et à l’urée. Le plus grand nombre de données disponibles concerne l’hypernatrémie et il est important, tant sur le plan physiopathologique que thérapeutique, de distinguer hypernatrémie aiguë et hypernatrémie chronique.

Par déshydratation cellulaire cérébrale, l’hypernatrémie est responsable de troubles neurologiques qui dépendent de son délai d’installation et de son ampleur. Cliniquement, on observe irritabilité, agitation,

Hyponatrémie

La baisse de l’osmolarité plasmatique est responsable d’un œdème cérébral qui peut entraîner des troubles neurologiques (confusion, désorientation, obnubilation, coma et convulsions) évoluant spontanément vers le décès. Cependant, l’existence d’une relation entre signes cliniques et natrémie est inconstante et une hyponatrémie profonde peut être asymptomatique. Ces données évoquent ici encore l’existence des mécanismes d’osmorégulation cérébrale. La natrémie à partir de laquelle s’observent les

Myélinolyse centropontine

La myélinolyse centropontine (MCP) est la complication redoutée, non pas de l’hyponatrémie chronique, mais de sa correction thérapeutique. La littérature à son sujet demeure controversée, tant sur sa fréquence réelle que sur sa physiopathologie. Elle surviendrait chez près de 10 % des patients ayant une hyponatrémie chronique inférieure à 115 mmol·L–1. Chez l’animal, elle est également appelée « démyélinisation osmotique », terme qu’il serait préférable d’employer chez l’homme, puisque la

Conclusion

L’osmorégulation cérébrale, en modifiant le contenu cellulaire en éléments osmotiquement actifs, limite ou corrige la variation du volume cérébral induite par les désordres de l’osmolarité plasmatique. Particulièrement efficace quand le désordre osmotique s’installe lentement, elle est incomplète dans les situations aiguës, lesquelles s’accompagnent volontiers de troubles neurologiques qui en font la gravité. De plus, la succession de stress osmotiques (par correction trop incisive du désordre

Références (12)

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Cited by (7)

  • Kinetic modeling in the context of cerebral blood flow quantification by H<inf>2</inf><sup>15</sup>O positron emission tomography: The meaning of the permeability coefficient in Renkin-Crone[U+05F3]s model revisited at capillary scale

    2014, Journal of Theoretical Biology
    Citation Excerpt :

    First, the effective coefficient of diffusion of H215O through the capillary endothelium depends on the relative contribution of the passive diffusive mechanisms involved at molecular scale (see Section 1), which is still unknown (Kimelberg, 2004). However, in physiological conditions, fine systemic osmoregulation (Bourque, 2008) ensures that the brain interstitial fluid is in osmotic equilibrium with the blood plasma (Boulard, 2001; Maallem et al., 2006), which nullifies the contribution of osmotic forces. The relative contribution of trans- and paracellular pathways also remains controversial.

  • Cochlear implant and inner ear malformation. Proposal for an hyperosmolar therapy at surgery

    2008, International Journal of Pediatric Otorhinolaryngology
    Citation Excerpt :

    Monitoring is based on the measurement of plasma osmolarity. Given that normal plasma osmolarity varies between 280 and 290 mosmol/l, the therapeutic level of plasma osmolarity must not exceed 300 mosmol/l [19]. Mannitol is confined to the extra cellular space and therefore an effective osmotic gradient can be maintained throughout treatment.

  • Controlled hypernatremia

    2006, Annales Francaises d'Anesthesie et de Reanimation
  • Postoperative hyponatremia in children: Pathophysiology, diagnosis and treatment

    2004, Annales Francaises d'Anesthesie et de Reanimation
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Travail présenté aux XXIIes Journées de l’Association de neuroanesthésie-réanimation de langue française, Dijon, 23-24 novembre 2000.

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