Elsevier

Revue Neurologique

Volume 164, Issue 3, March 2008, Pages 216-224
Revue Neurologique

Revue générale
Migraine hémiplégique familiale et sporadiqueFamilial and sporadic hemiplegic migraine

https://doi.org/10.1016/j.neurol.2007.10.003Get rights and content

Résumé

La migraine hémiplégique (MH) est une variété rare de migraine avec aura motrice. L’histoire familiale permet de distinguer les cas de migraine hémiplégique familiale (MHF) qui ont au moins un apparenté au premier ou au deuxième degré ayant les mêmes crises et les cas de migraine hémiplégique sporadique (MHS) qui n’ont aucun apparenté atteint. La prévalence de la MH est d’une sur 10 000, avec une fréquence égale des cas sporadiques et familiaux. Les crises typiques de MH comportent un déficit moteur toujours associé à au moins un autre signe de l’aura, les plus fréquents étant les troubles sensitifs, visuels et du langage. Les symptômes dits basilaires sont également fréquents (70 % des patients) : vertige, instabilité et acouphènes. Des crises sévères de MH surviennent dans la MHF comme la MHS, et comportent une hémiplégie prolongée, une confusion ou un coma, une fièvre et des crises comitiales. Le tableau clinique peut également inclure des signes cérébelleux permanents (nystagmus, ataxie, dysarthrie) et moins fréquemment une épilepsie et une déficience intellectuelle. La MHF est la seule variété de migraine autosomique dominante. Les trois gènes connus (CACNA1A, ATP1A2 et SCNA1) codent pour des transporteurs ioniques, et les mutations sont responsables d’une hyperexcitabilité cérébrale. Un diagnostic génétique est possible par analyse de ces gènes. Dans la majorité des cas, le pronostic est bon. Les traitements médicamenteux sont ceux utilisés dans les autres variétés de migraine avec aura, avec une exception pour les triptans qui restent contre-indiqués dans la MHF/MHS. Le traitement préventif par certains antiépileptiques, basé sur la meilleure connaissance physiopathologique, semble prometteur.

Abstract

Hemiplegic migraine (HM) is a rare variety of migraine with aura characterized by the presence of a motor weakness during the aura. Hemiplegic migraine has two main forms according to the familial history: patients with at least one first- or second-degree relative who has aura including motor weakness have familial hemiplegic migraine (FHM); patients without such familial history have sporadic hemiplegic migraine (SHM). The prevalence of HM is one in 10,000 with FHM and SHM being equally frequent. Typical HM attacks include a motor weakness that is always associated with other aura symptoms, the most frequent being sensory, visual and speech disorders. In addition, basilar-type symptoms occur in up to 70% of the patients. Severe attacks may occur in FHM as well as in SHM with prolonged hemiplegia, confusion, coma, fever and seizures. The clinical spectrum also includes permanent cerebellar signs (nystagmus, ataxia, dysarthria) and less frequently various types of seizures and intellectual deficiency. FHM is the only variety of the autosomal dominant migraine and all three know genes encode ion-transporters. A genetic diagnosis is now possible by screening the three known genes involved in FHM (CACNA1A, ATP1A2 and SCNA1). Prognosis is usually good. Treatment is similar to approaches used in other varieties of migraine with aura, excepted for triptans that are contraindicated in MHF/MHS. Based on new pathophysiological insight, preventive treatments by various antiepileptic agents seem promising.

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Définition

La migraine hémiplégique familiale (MHF) est une variété héréditaire de migraine avec aura (Ducros, 2006). La migraine est une céphalée évoluant par crises récurrentes, entre lesquelles le patient est en parfaite santé. La classification de l’International Headache Society (IHS) distingue deux variétés principales de crises : la migraine sans aura (MSA) et la migraine avec aura (MA) dans laquelle la céphalée est précédée ou accompagnée de symptômes neurologiques transitoires visuels, sensitifs,

Épidémiologie

Une étude épidémiologique faite en population générale au Danemark a permis d’estimer la prévalence de la MH à une sur 10 000, avec une fréquence égale des cas familiaux et sporadiques (Thomsen et al., 2002a).

La prévalence de la MHF au Danemark est donc voisine d’une sur 20 000. Elle est probablement similaire dans les autres pays. Cette étude danoise a identifié 147 patients atteints de MHF faisant partie de 44 familles distinctes (Thomsen et al., 2002a). Des signes cérébelleux permanents ont

Crises de migraine hémiplégique

Ce sont des crises de migraine avec aura motrice. Le déficit moteur est toujours associé à au moins un autre symptôme avec par ordre de fréquence : les troubles sensitifs (98 %), les troubles visuels (89 %) et les troubles du langage (79 %) (Thomsen et al., 2003 Ducros, Denier, & Joutel, 2001 ; Thomsen, Eriksen, & Romer, 2002b ; Kors, Haan, & Giffin, 2003 ; Ducros, 2005). L’aura débute le plus souvent par les troubles sensitifs ou visuels. La sévérité du déficit moteur est variable, allant de

Étiologie, physiopathologie et corrélations génotype/phénotype (Tableau 2)

La MHF est héréditaire, autosomique dominante. La maladie est donc transmise aussi bien par les pères que par les mères et 50 % des descendants héritent du gène muté. La pénétrance des crises de MH est incomplète (environ 90 %) ; par conséquent des sauts de génération sont possibles et l’histoire familiale est parfois difficile à mettre en évidence.

La MHF est hétérogène sur le plan génétique et les trois gènes identifiés codent pour des transporteurs ioniques, faisant de la MHF une maladie du

Diagnostic de la MHF

Le diagnostic positif de MHF chez un cas index repose sur l’identification d’un apparenté ayant le même type de crises (Classification Committee of the International Headache Society, 2004). En raison de la pénétrance incomplète de la maladie, l’histoire familiale doit concerner non seulement les apparentés au premier degré, mais aussi ceux au second degré. Lorsque l’histoire familiale est négative, le diagnostic de migraine hémiplégique ne peut être éliminé : il peut s’agir d’une MHS. Enfin,

Indications et limites d’un diagnostic moléculaire dans la MH

Les principales indications d’un diagnostic moléculaire de MH sont les formes atypiques : tout d’abord, les cas sporadiques ayant des crises particulièrement sévères (comas récidivants) ou des signes permanents autres qu’une ataxie et, de plus, les cas familiaux atypiques par leur sévérité ou leur présentation par rapport aux autres membres de la famille (Ducros, 2005). La découverte d’une mutation pathogène de CACNA1A, d’ATP1A2 ou de SCN1A peut alors permettre d’éviter l’errance diagnostique.

Prise en charge

Dans les très grandes familles de MHF comportant plusieurs générations de sujets atteints, les patients adultes consultent assez peu car ils savent que le problème est familial et, qu’avec un certain fatalisme, ils se reposent lors des crises en attendant plus ou moins tranquillement de récupérer. Les patients examinés en consultation sont donc souvent des enfants lors des premières crises pour lesquels les parents sont plus inquiets que pour eux-mêmes, des patients de tous âges ayant des

Pronostic

Les premières crises apparaissent en moyenne vers 12 ans, mais des débuts précoces avant deux ans ou, au contraire, très tardifs (75 ans) ont été rapportés. La fréquence des crises varie de plus d’une par semaine à quelques-unes au cours de la vie, avec une moyenne de trois à quatre par an, et semble plus élevée à certaines périodes, surtout entre cinq et 25 ans. Chez certains patients, la fréquence peut varier de crises quotidiennes, surtout au début de l’évolution de la maladie, à des

Références (22)

  • A. Ducros

    Hemiplegic migraine: Clinical features, links with basilar-type migraine, current and future treatment

    Headache Currents

    (2006)
  • Cited by (12)

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    Cet article est publié en partenariat avec Orphanet et disponible sur le site www.orpha.net.© 2007 Orphanet. Publié par Elsevier Masson. Tous droits réservés.

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