Elsevier

L'Encéphale

Volume 34, Issue 1, January 2008, Pages 38-46
L'Encéphale

Méthodologie
Échelle d’ajustement dyadique : intérêts cliniques d’une révision et validation d’une version abrégéeDyadic Adjustment Scale: Clinical interest of a revision and validation of an abbreviated form

https://doi.org/10.1016/j.encep.2006.12.005Get rights and content

Résumé

Les problèmes de couples constituent une des principales causes de consultation en psychothérapie individuelle. La Dyadic Adjustment Scale (DAS ; J Marriage Fam 38 (1976) 15–28) est l’un des outils les plus utilisés pour évaluer l’ajustement marital. Malgré ses qualités et sa capacité à distinguer des personnes selon leur niveau de détresse conjugale, sa structure reste critiquée. Une profonde révision factorielle a donc été réalisée à partir des réponses de 246 participants. La solution optimale se répartit selon deux facteurs — « le degré d’accord » et « la qualité des interactions maritales » — avec 16 items et 52 % de variance expliquée. La stabilité de la structure a été vérifiée à l’aide de deux échantillons. Les réponses des hommes et des femmes suivent la même structure. Enfin, cette échelle pouvant être utilisée pour comparer le niveau de satisfaction des conjoints au sein d’un même couple, il a été vérifié que la différence des réponses aux items entre les partenaires suivait la même structure. Une analyse factorielle complémentaire de second ordre soutient à la fois un facteur général d’ajustement et cette organisation en deux composantes. Cette forme abrégée est satisfaisante en termes de validité et d’utilisation en recherche et en clinique.

Summary

Background

The problems associated with people interaction within a couple is one of the principal causes for consultations in individual psychotherapy. The Dyadic Adjustment Scale (DAS; J Marriage Fam 38 (1976) 15–28) is regarded as the most used evaluation tool of marital adjustment. To date, however, there is no fully satisfactory version of the test, either because the revised versions have undergone an over simplification of the underlying model, or the revised versions have remained faithful to the postulates of the DAS but have not been fully validated. Moreover, from a clinical point of view, marital therapy must be associated with the analysis of both convergences and divergences between the adjustment of each partner. Hence, the DAS could be viewed as a tool that is particularly adapted to such an evaluation. Nevertheless, a precise analysis of DAS is required in order to grasp both the individual profiles and the pattern differences between the individuals.

Design of the study

We conducted a series of studies with the aim to (1) test once more the limits of the original DAS structure and, (2) identify a simple structure for the tool through exploratory factor analysis. First, we showed that our analyses provided the possibility to simplify the inventory. Hence, it was possible to decrease the number of scales as well as the number of items used. Contrary to the unidimensional tendency and the extreme simplification of the number of items, we were able to identify furthermore the precise constructs taken into account by the DAS, and to proceed in a rigorous and validated analysis of two distinct samples. Second, we examined the stability of the structure according to the sex of both respondents. Finally, we checked the relevance of this factorial structure for the better understanding of the differences between partner interactions within the couple. Participants’ data were collected from a sample of 123 couples. Results showed that the structure reported by Spanier is not replicated. After a first elimination of items on criteria of asymmetry and a weak capacity for discrimination, we ran factor analysis with the answers of the sub sample of validation. We chose principal components analysis with orthogonal rotations in order to identify the most independent constructs. Sixteen items were preserved.

Results

Results showed that they were organized according to two dimensions that explain 52% of the variance. The first factor relates to the degree of agreement in couples (DA). Ten items present loadings with this component explaining 32% of the variance. The second dimension, made up of six items, corresponds to the quality of the dyadic interactions (IQ). This factor explains 20% of the variance. The correlation between the scales that were derived from this analysis was found to be r = 0.50 (p < 0.01). The cross-validation analysis performed on the subjects’ answers was found to follow the same factorial structure, just as the male and female samples did. Our analyses further highlighted the relevance of a hierarchical structure and consequently, the possibility of calculating a total score. The coefficients of internal consistency were 0.89 for the total scale and the scale of degree of agreement, and 0.75 for the scale of quality of the interactions. As the DAS-16 was strongly correlated with the full DAS version, the possibility of score equivalence was thus confirmed. In conclusion, our results provide a unidimensional structure and a two-dimensional comprehension of marital adjustments. The factors were shown to be stable and similar for sex. Moreover, one of the weaknesses of the original version of the DAS was the lack of independence of the scales. Our version of the DAS allows the identification of factors that are moderately correlated. Finally, one of the originalities of our work is the validation of the abbreviated form that used as indicator the differences between partner interactions within a given couple.

Introduction

Les problèmes de couple constituent un des principaux motifs de consultation en psychothérapie individuelle [17]. Pourtant, jusqu’aux années 80, l’évaluation de l’ajustement marital intéressait essentiellement les spécialistes en thérapie ou en conseil conjugal et les chercheurs souhaitant identifier des prédicteurs de la stabilité ou de la dissolution du couple. Aujourd’hui, de plus en plus de recherches s’inscrivant dans une perspective psychosociale, que ce soit en psychopathologie et en psychologie de la santé, intègrent ce type de mesure dans le but d’évaluer l’impact de l’environnement conjugal sur la santé.

La Dyadic Adjustment Scale (DAS) [24] est considérée comme l’évaluation de l’ajustement marital la plus fréquemment utilisée [8], [9]. Il y a 20 ans, le nombre d’études ayant utilisé cet outil dépassait déjà le millier [25]. La DAS est basée sur l’idée que l’ajustement dans le couple est un processus reposant sur quatre composantes [24] : un haut degré d’accord entre les partenaires (échelle de consensus), une faible fréquence de conflits et d’interactions négatives (échelle de satisfaction), une fréquence élevée d’activités communes (échelle de cohésion) et peu de problèmes affectifs ou sexuels (échelle d’expression affective). Traditionnellement intégrée dans les études sur le fonctionnement et le dysfonctionnement marital, la DAS est de plus en plus utilisée dans d’autres contextes où l’ajustement du couple est susceptible d’être éprouvé : en psycho-oncologie [23], en psychopathologie [31] ou dans le domaine du stress professionnel [13]. C’est également l’inventaire de référence dans les études sur l’efficacité des thérapies de couple [32].

Outre l’avantage d’être multidimensionnelle [3], la DAS a été développée en utilisant un niveau d’exigence et des méthodes psychométriques proches des standards actuels [9]. Construite principalement à partir des items des outils existants en 1976 [24], la DAS intègre et élargit donc le construit propre aux inventaires de ce type [6], en particulier le marital adjustment test (MAT; [16]). Une des qualités incontestée de la DAS est la validité critérielle ou discriminante. Elle permet de distinguer les personnes vivant en couple de celles séparées ou divorcées [9], [21], ainsi que les personnes tout-venant de personnes en thérapie de couple [3]. Cet outil peut également être utilisé comme un bon prédicteur de la stabilité ou de la dissolution du couple [14], [19] et est sensible aux changements en cours de thérapie de couple [30], [32]. Spanier a souhaité créer une échelle applicable dans la plupart des situations de couple, d’où la neutralité de sa dénomination : dyadique plutôt que maritale [24], [25]. Il a testé la structure auprès de couples mariés américains mais en prétestant la validité de contenu des items auprès de couples en concubinage. Par la suite, les recherches ont de nouveau éprouvé la validité auprès d’échantillons dans des contextes géographiques et/ou culturels diversifiés, auprès de couples ou de conjoints isolés, mariés ou en concubinage, hétérosexuels ou homosexuels. Parmi toutes les caractéristiques d’échantillonnage, c’est le sexe qui fait l’objet des analyses les plus rigoureuses. Plusieurs études factorielles exploratoires ont mis en évidence des différences entre les hommes et les femmes [1], [7], [11], [12], alors que les analyses confirmatoires vont dans le sens d’une congruence entre les structures factorielles [18], [22], [28].

En dépit de sa popularité, de sa consistance et de ses multiples domaines d’application, le débat demeure concernant sa structure interne. Face à la multiplicité des caractéristiques des échantillons et des méthodes, seuls les résultats stables peuvent être considérés. Six recherches exploratoires [2], [5], [7], [12], [22], [26] rapportent des divergences entre la structure factorielle observée et la structure princeps. Les corrélations relativement élevées entre les facteurs de la DAS ou entre les échelles qui en sont issues, ainsi que la part très majoritaire de variance expliquée par le premier facteur après rotation, ont conduit plusieurs recherches à tester la supériorité d’une structure unidimensionnelle ou d’une structure hiérarchique. Quatre études confirmatoires conduisent à rejeter la structure princeps [14] ou à considérer une organisation hiérarchique comme équivalente [28] ou supérieure [6], [18] à la structure rapportée par Spanier.

La structure de la DAS est donc à réviser [25] sinon à reconsidérer totalement [12]. Depuis sa création, trois révisions ont été dans le sens d’une unidimensionnalité contre une dans le sens d’une structure hiérarchique. La première révision par Sharpley et al. en 1982 et 1984 [20], [21] propose de conserver uniquement les items les plus discriminants. Il en résulte une version dite ADAS ou DAS-7. Kurdek [14] tente de clarifier la structure sous-jacente en ne conservant que les dix items de l’échelle de satisfaction. La DAS et ses versions en sept et en dix items sont fortement corrélées [10]. Sabourin et al. en 2005 utilisent une méthode faisant appel au modèle de réponse à l’item et sélectionnent quatre items [19]. Toutefois, cette DAS-4 est également constituée uniquement par des items de satisfaction. Ces propositions, quel qu’en soit le cheminement théorique et méthodologique (validité empirique, validité de contenu ou variable latente de discrimination), se font au prix d’un appauvrissement de la nature de l’outil et s’éloignent des postulats sous-jacents à l’élaboration de la DAS. L’ajustement du couple ne peut se réduire à la satisfaction maritale [6] et doit être considéré comme une combinaison complexe de différents paramètres [24] dont seule une évaluation multidimensionnelle peut rendre compte.

Les DAS-4 à DAS-10 se prêtent essentiellement à des recherches épidémiologiques mais non à des analyses dans des recherches psychosociales ou à une utilisation clinique. Une alternative est proposée par Busby et al. [3] qui construisent un modèle en deux niveaux hiérarchiques. Au premier niveau, ils conservent sept paires d’items regroupés en fonction de leur contenu et censés être organisés eux-même en trois facteurs. Ils testent ce modèle par analyse confirmatoire et créent ainsi une version dite R-DAS ou DAS-14 en trois facteurs : consensus, satisfaction et cohésion. Cette méthode soulève cependant plusieurs problèmes. La valeur psychométrique des variables latentes de premier ordre (les paires d’items) est confuse puisque les sous-échelles qui en découleraient ne peuvent être consistantes faute d’un nombre suffisant d’items. Le problème majeur reste qu’une contre-validation a échoué à reproduire ce modèle hiérarchique [28].

Deux autres points de validité attirent également l’attention. Premièrement, Spanier part du principe qu’il faut utiliser des rotations obliques puisqu’il travaille sur des variables corrélées tout en souhaitant faire émerger des phénomènes distincts. Il est donc logique d’observer des corrélations très élevées entre les quatre construits. Une méthode orthogonale aurait peut-être permis de minorer cette tendance. En outre, aucune étude confirmatoire ne teste l’intérêt d’un modèle orthogonal par rapport à un modèle oblique. Deuxièmement, sur un plan clinique, le travail thérapeutique avec un couple peut conduire à l’analyse des convergences et divergences dans l’ajustement de chacun des partenaires. La DAS est un outil privilégié dans ce cadre. Néanmoins, au même titre que pour l’analyse des profils individuels, l’analyse des différences au sein du couple nécessite d’en étudier la structure.

À ce jour, il n’existe donc pas de version pleinement satisfaisante, soit les révisions passent par un appauvrissement de la théorie définitoire, soit elles restent fidèles aux postulats de la DAS mais sans pouvoir être répliquées.

L’objectif princeps de cette étude sera donc d’éprouver de nouveau les limites de la structure originale pour identifier ensuite, par des méthodes exploratoires, une structure factorielle dite « simple », c’est-à-dire répondant à des principes d’organisation des saturations des items bien codifiés dans la littérature. Néanmoins, avec la tendance unidimensionnelle et l’extrême simplification du nombre d’items, il est souhaitable d’identifier de façon la plus fine possible les phénomènes latents pris en compte par la DAS et de procéder de façon rigoureuse et reproductible avec un échantillon puis un contre-échantillon. Cette première étape devrait ainsi conduire à une simplification de l’inventaire tant en nombre de sous-échelles qu’en nombre d’items, tout en respectant ses fondements conceptuels. L’homogénéité des échelles déduites ainsi que leur capacité à discriminer des sujets en détresse conjugale d’autres sujets seront étudiées. De plus, il est important d’examiner la stabilité de la structure en fonction du sexe du répondant et de vérifier la pertinence de cette structure factorielle en fonction des différences entre les réponses des partenaires du couple. Cette seconde étape permettra une utilisation plus fine de l’échelle pour des applications thérapeutiques et des évaluations cliniques.

Section snippets

Participants

Les données ont été recueillies auprès d’un échantillon de 123 couples hétérosexuels, soit 246 participants, volontaires et non rémunérés, recrutés dans la région Nord–Pas-de-Calais. Les participants étaient âgés de 18 à 75 ans avec une moyenne d’âge de 36,9 ans ± 13,2. Les couples étaient constitués depuis neuf mois à 51 ans avec une moyenne de 13,4 ans ± 11,3. Cinquante-cinq couples n’ont pas d’enfant. Les sujets ont un score moyen à la DAS de 111,3 ± 18,6. Cette moyenne est légèrement inférieure à

Reconduction des analyses princeps

Une première série d’analyses multidimensionnelles en axes principaux puis en composantes principales, avec des rotations obliques (direct oblimin) puis orthogonales (varimax) a été réalisée. La méthode d’extraction aboutit à des répartitions de saturations strictement identiques. Le seul changement tient à la part de variance expliquée : 50,3 % pour l’analyse en composantes principales et 43,1 % pour l’analyse en axes principaux. La méthode de rotation entraîne des répartitions de saturations

Discussion

La révision proposée devait répondre à des exigences multiples : un inventaire assez fin pour une utilisation clinique, un questionnaire unidimensionnel et assez court pour des recherches épidémiologiques, un questionnaire qui puisse être utilisé en consultation individuelle ou en consultation de couple. Ce travail s’est orienté vers une méthode de sélection des items classique mais rigoureuse, tenant compte du plus grand nombre possible de mises en garde dans la littérature et permettant une

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