Article original
Séquelles thérapeutiques du sein après traitement conservateur du cancer du seinPost-treatment sequelae after breast cancer conservative surgery

https://doi.org/10.1016/j.anplas.2007.10.004Get rights and content

Résumé

Le traitement conservateur a connu un essor important depuis une quinzaine d’années grâce à un dépistage plus précoce du cancer du sein, aux traitements néoadjuvants, à l’amélioration des techniques chirurgicales qui en limite les séquelles et à la chirurgie réparatrice. Certains facteurs sont reconnus comme influençant de façon péjorative le résultat esthétique : la surcharge pondérale, un volume mammaire très important ou au contraire des seins de très petite taille, une localisation tumorale dans les quadrants inférieurs, un rapport volume de la tumorectomie/volume du sein élevé. La radiothérapie et la chimiothérapie potentialisent les effets délétères de la chirurgie par le biais de la rétraction, de la fibrose, de l’induration. Les résultats du traitement conservateur se dégradent également dans le temps par majoration de l’asymétrie mammaire due à une fréquente prise de poids. Les séquelles du traitement conservateur peuvent associer, à des degrés divers, les déformations élémentaires suivantes : asymétrie mammaire, amputation de la plaque aréolomamelonnaire, rétraction cicatricielle et altérations cutanées, déformations et désorientations aréolomamelonnaires, aboutissant à des déformations mineures, voire majeures du sein. Il faut également prendre en compte l’existence de troubles sensitifs après traitement conservateur à type d’hypoesthésies, de dysesthésies ou de réelles douleurs. Le lymphœdème du sein est également une séquelle fréquente et invalidante du traitement conservateur qui est peu prise en compte mais concernerait un nombre important de patientes. La chirurgie conservatrice du cancer du sein peut également entraîner des séquelles psychologiques par atteinte de l’intégrité corporelle, de la féminité, de la sexualité, parfois perçues de façon aussi intenses qu’après mastectomie. Les modifications radiologiques sont importantes à connaître afin de réaliser le diagnostic différentiel d’une éventuelle récidive. Elles sont de quatre types : augmentation de la densité mammaire, distorsion architecturale dans le foyer de tumorectomie avec formation d’une cicatrice, lésions de cytostéatonécrose, apparition de microcalcifications. La prise en charge des séquelles du traitement conservateur est donc pluridisciplinaire, puisqu’il ne suffit pas de prendre en compte les séquelles esthétiques, mais aussi les versants psychologiques et sensitifs inévitablement intriqués, ainsi que l’aspect radiologique, très important chez ces patientes à risque de récidive non négligeable.

Summary

Thanks to the earlier detection of breast cancer, the advent of neoadjuvant therapy and the development of more effective surgical procedures reducing treatment sequelae, conservative treatment has dramatically expanded over the past 15 years. Several factors have recognized negative aesthetic consequences for breast cancer patients: being overweight, having voluminous or on the contrary, very small breasts, having a tumor located in the lower quadrant, having high breast-tumor: breast-volume ratio. Tissue injuries induced by radiotherapy and chemotherapy, such as shrinking, fibrosis or induration, maximize the deleterious impact of surgery. The results of conservative treatment also deteriorate with time: weight gain is common and may result in increased breast asymmetry. Patients undergoing conservative treatment may experience sequelae including various degrees of the following dimorphisms, all possibly responsible for minor or even major breast deformity: breast asymmetry, loss of the nipple/areola complex, scar shrinkage and skin impairment, irregular shape and position of the nipple and areola. Various sensory symptoms have also been reported following conservative treatment, with patients complaining of hypo- or dysesthesia or even suffering actual pain. Breast lymphedema is also a common incapacitating after-effect that is believed to be largely underdiagnosed in clinical practice. Finally, like mastectomy, conservative breast surgery may induce serious psychological distress in patients who suffer the loss of physical integrity, womanhood or sexual arousal. Clinicians must be aware of the radiological changes indicative of late cancer recurrence. There are four types of modifications as follows: increased breast density, architectural distortion at the surgical site and formation of scar, mammary fat necrosis, and occurrence of microcalcifications. The management of sequelae of conservative breast treatment must therefore involve a multidisciplinary approach; patients not only expect better cosmetic appearance, but also a focus on other treatment advances such as improvement of psychological and sensory outcome. The interpretation of radiological images is also an integral part of the management of these patients at significant risk of recurrence.

Introduction

Le traitement conservateur du cancer du sein a été proposé dans les années 1960–1970 en Europe (initialement en France et en Italie). Il correspond à l’exérèse complète de la tumeur entourée de marges de sécurité de tissu glandulaire sain. En fonction de l’importance du volume excisé, le geste initial est appelé : tumorectomie, tumorectomie élargie, quandrantectomie ou mastectomie partielle.

Il est classiquement indiqué [1], [2] :

  • en cas de tumeur unifocale, réséquée in sano (marges supérieures ou égales à 3 mm pour les carcinomes canalaires in situ, à adapter à la taille de la tumeur et du sein pour les carcinomes invasifs [1], [2]) ;

  • en cas de carcinome in situ ou invasif de moins de 3 à 4 cm de grand axe ;

  • en cas d’absence de signe inflammatoire ;

  • en cas d’absence de composante intracanalaire étendue.

Le consensus de 1980 réservait le traitement conservateur aux tumeurs de moins de 3 cm de diamètre. Depuis, plusieurs études randomisées ont démontré que la conservation du sein était licite jusqu’à 4, voire 5 cm de diamètre. Bien évidemment, cela dépend également de la taille initiale du sein de la patiente et du rapport entre volume tumoral et volume mammaire.

En cas de cancer infiltrant, il est associé à un curage ganglionnaire axillaire ou à une exérèse sélective du ganglion sentinelle.

La chirurgie conservatrice est ensuite complétée par une radiothérapie du sein et parfois des territoires ganglionnaires adjacents.

De nombreuses études ont trouvé que le taux de survie, l’incidence des récidives locorégionales et la survenue de métastases après traitement conservateur complété d’une irradiation locorégionale étaient similaires à celui après mastectomie totale seule [1], [2], [3].

On assiste actuellement à un essor du traitement conservateur depuis 15 ans grâce à un dépistage plus précoce du cancer du sein, aux traitements néoadjuvants (chimiothérapie, radiothérapie, hormonothérapie) et à l’amélioration des techniques chirurgicales qui limite les séquelles.

Les traitements conservateurs du cancer du sein peuvent cependant entraîner, dans 15 à 20 % [4], des séquelles thérapeutiques qui gênent la patiente dans sa vie de femme et peuvent lui rappeler quotidiennement sa maladie. La prise en charge de ces séquelles est donc importante, pour autoriser une meilleure qualité de vie après traitement. Il est à noter que ces séquelles sont souvent minorées lors de la consultation de surveillance carcinologique, d’autant que le fait d’avoir pu conserver le sein est souvent surinvesti par le couple chirurgien/patiente lors de la phase de prise en charge initiale du cancer ; probablement dans le but subconscient d’atténuer le traumatisme engendré par l’annonce du diagnostic de cancer du sein.

Ainsi les patientes ayant été traitées d’un cancer du sein consultent quelques années plus tard, lorsqu’elles « se sentent guéries », un chirurgien plasticien pour savoir « si l’on peut faire quelque chose ? ». Face à cette demande, la chirurgie plastique correctrice des séquelles thérapeutiques du sein s’est développée ces dernières années.

Le but de cet article est de faire le point sur la physiopathologie des séquelles du traitement conservateur, de présenter ces séquelles et leur prise en charge thérapeutique.

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Poids

Il est reconnu que la surcharge pondérale [5], [6], un volume mammaire très important [5], [6], [7] ou au contraire des seins de très petite taille [6], [7], [8], [9] influent de façon péjorative sur le résultat esthétique. En revanche, il n’a pas été démontré de relation directe du résultat avec l’âge de la patiente [5], [10], [11] ou son statut ménopausal [5], [12], [13].

Volume et forme des seins

Les patientes présentant de petits seins ont de meilleurs résultats que celles ayant des seins volumineux [4], [5], [7], [8]

Séquelles morphologiques et esthétiques

Le traitement conservateur, justifié sur le plan carcinologique, doit répondre à un impératif esthétique : celui de préserver la morphologie du sein. La chirurgie conservatrice doit être esthétique dans son résultat morphologique. De nombreuses études [10], [31] montrent un taux de bons résultats de 70 à 90 % avec peu ou pas d’asymétrie résiduelle et des séquelles postradiques mineures. Mais dans 20 à 25 % des cas, le traitement conservateur s’accompagne de séquelles plus ou moins importantes

Augmentation de la densité mammaire

L’augmentation de densité mammaire est due initialement à l’œdème postopératoire, puis à la radiothérapie [50]. En effet, après celle-ci, apparaît une inflammation postradique de tout le sein, puis une fibrose postradique. Ce phénomène est d’autant mieux apprécié que l’on compare la mammographie à celle réalisée en préopératoire ou à celle du sein controlatéral. On peut observer également souvent une rétraction cutanée et glandulaire [50].

Cicatrice postopératoire

Les cicatrices chirurgicales sont à l’origine de distorsions architecturales plus ou moins marquées, dépendant du volume d’exérèse, de la densité mammaire et de la réalisation ou non d’un remodelage glandulaire. Lors de la première mammographie, le foyer de tumorectomie n’est pas visible (signes inflammatoires) ou se traduit par une opacité de contours plus ou moins nets correspondant à une collection résiduelle. La résorption du liquide du sérum peut être longue et cette masse peut persister

Physiopathologie

L’étiologie de la cytostéatonécrose après traitement conservateur est multifactorielle : traumatisme chirurgical et radiothérapie. Le traumatisme chirurgical peut entraîner une nécrose des cellules graisseuses dans, ou à proximité, du site opératoire [52].

La radiothérapie peut induire des lésions des petits vaisseaux avec occlusion de leur lumière centrale d’où des lésions ischémiques des tissus voisins [27], [53].

La cytostéatonécrose peux se retrouver après tout autre traumatisme du sein :

Calcifications post-thérapeutiques

Elles sont dues à la radiothérapie et/ou, à la cytostéatonécrose postchirurgicale, l’irradiation isolée étant elle-même un facteur de nécrose graisseuse. Elles peuvent n’apparaître que trois, voire cinq ans, après le traitement. Des macrocalcifications sont caractéristiques de la nécrose graisseuse et ne posent pas de problème de diagnostic différentiel.

Ces microcalcifications constituent le seul signe mammographique qui se majore lors de la surveillance des seins traités ; elles se développent

Conclusion

Du fait de l’essor actuel du traitement conservateur, les praticiens seront de plus en plus confrontés à la prise en charge de ses séquelles. Celles-ci sont d’autant plus difficiles à corriger qu’elles associent plusieurs types de déformation et se situent en terrain irradié. Il est donc important de connaître les phénomènes à l’origine de ces déformations et de bénéficier d’un arsenal thérapeutique large, afin de s’adapter à chaque cas clinique. Nous cherchons d’autant plus à nous orienter

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      Breast surgeons typically use oncoplastic approaches to reduce the impact of the local tumor excision on cosmesis. However, 10–40% of patients treated with conservative therapy are physically and psychologically scarred [4–6]. Several factors have been recognized to have negative cosmesis consequences: being overweight, having very small or very large breasts, having a tumor located in the lower quadrant of the breast, and having a large breast tumor [5].

    • Behavioral cancer pain intervention using videoconferencing and a mobile application for medically underserved patients: Rationale, design, and methods of a prospective multisite randomized controlled trial

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    • Indications and Controversies in Total Breast Reconstruction with Lipomodeling

      2018, Clinics in Plastic Surgery
      Citation Excerpt :

      Fat grafting proved its efficacy,1–3 and it became a constant tool in breast surgery. Fat transfer has an important role when used as a complement for breast reconstruction with different flaps,4–7 or for the treatment of breast-conservative surgery sequelae.8 There is still no consensus for fat harvesting, purification, and transfer methods.9,10

    • Indications and Controversies in Lipofilling for Partial Breast Reconstruction

      2018, Clinics in Plastic Surgery
      Citation Excerpt :

      The sequelae after conservative breast cancer treatment are a challenge,1 and until now, no technique gave a very good result.

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