Published April 24, 2018 | Version v1
Taxonomic treatment Open

Cicadetta sibillae Hertach & Trilar 2015

Description

Cicadetta sibillae Hertach & Trilar, 2015

(Figs 4A-D; 5B, C)

Cicadetta sibillae Hertach & Trilar in Hertach et al., 2015: 326.

LOCALITÉ TYPE. — 43.8854N, 11.7567E, alt. 950 m, Campigna, Forlì-Cesena, Italie.

MATÉRIEL EXAMINÉ. — 7 ♂ en provenance de France, département des Alpes-Maritimes, commune de Tende. 3 ♂ déposés au MNHN: Lac de la Pia Sud, 44.108260N, 07.613300E, alt. 885 m, 2 ♂, 25.VI.2016 (MNHN-EH-23653, MNHN-EH-23654); Bazara Sud-Ouest, 44.09411N, 7.6026E, alt. 885 m, 1 ♂, 25.VI.2016 (MNHN-EH-23655). 4 ♂ déposés dans la collection KG: Lac de la Pia Sud, 44.108260N, 07.613300E, alt. 885 m, 1 ♂, 25.VI.2016; Bazara Sud-Ouest, 44.09411N, 7.6026E, alt. 885 m, coll. KG, 1 ♂, 25.VI.2016; Bazara Sud, 44.09524N, 7.60417E, alt. 870 m, coll. KG, 1 ♂, 25.VI.2016; Granges de la Pia Sud, 44.11536N, 7.61728E, alt. 925 m, coll. KG, 1 ♂, 26.VI.2016, coll. KG, récoltés par K. Gurcel.

MORPHOLOGIE (FIGS 4, 5)

Aspect général, taille et coloration des spécimens analogue aux autres espèces du complexe C. montana s.l., notamment du groupe C. cerdaniensis s.l.: tête et thorax noirâtre, abdomen noirâtre à bandes transversales orangeâtres, pattes noirâtres à tâches brunâtres-jaunâtres plus ou moins importantes, ailes à nervations jaunâtres-brunâtres sur leur moitié basale, à noirâtres sur leur moitié apicale (Fig. 4A, B); chez les individus mâles de C. sibillae prélevés ou photographiés in natura dans les Alpes-Maritimes, base des ailes antérieures présentant le plus souvent une petite zone noirâtre (65 % des individus, Fig. 4B) ou jaunâtre-claire (35 % des individus, Fig. 4A) reliant les deux nervures anales délimitant le clavus.

Genitalia mâles

Pygophore identique chez C. sibillae et C. cerdaniensis et de type cicadettéen (Fig. 4C), notamment par l’absence de dent sur le lobe basal du pygophore et la présence de crochets copulateurs coudés antéro-latéralement. Chez C. cerdaniensis, pseudoparamères présentant un élargissement plus ou moins accentué sur leur tiers apical (Fig. 5A), leur conférant un aspect en forme de feuille de laurier, caractéristique particulièrement marquée pour l’ensemble des spécimens provenant d’Espagne; à l’inverse, chez C. sibillae, pseudoparamères oblongs, ne présentant pas de rupture dans leur courbure extérieure (Fig. 5B), aspect en fuseau relativement effilé. Deux autres critères présentent une certaine variabilité intraspécifique: chez C. sibillae, phallus paraissant plus allongé et effilé que chez C. cerdaniensis (Fig. 5A, B), chez les deux espèces, pseudoparamères présentant sur leur arête externe une fine denticulation (Fig. 4D) semblant légèrement plus marquée et débutant plus en amont des pseudoparamères chez C. sibillae; mesures précises et complémentaires à mener sur un plus grand nombre de mâles de C. cerdaniensis et de C. sibillae pour tenter de préciser la valeur taxonomique de ces deux derniers critères.

COMPORTEMENT SONORE (FIGS 2, 3)

L’émission sonore est produite par l’activation des deux cymbales qui, chez C. sibillae, peuvent fonctionner de façon synchrone ou asynchrone (Fig. 2C). Une séquence caractéristique de la cymbalisation d’appel nuptial est constituée de deux phrases: une phrase de type 2 alternant avec une phrase de type 3 (Fig. 2A). Pour les 12 mâles enregistrés, la phrase de type 2 débute et conclut la séquence d’appel. En outre, il n’a pas été enregistré de phrase de type 1 comparable à celle émise chez C. cerdaniensis. La moyenne du nombre de syllabes par module de la phrase de type 3 (Fig. 2C et Tableau 2: Syllabes/ M–3) est de 7,73 ± 0,65 (7-9; 100). La durée moyenne des modules des phrases de type 3 (Tableau 2: MD–3) est de 0,036 ± 0,008 s (0,019 -0,084; 233). La durée de l’intervalle de silence entre deux modules de la phrase de type 3 (Tableau 2: MID–3) mesurée dans le cadre de cette étude est égale à 0,258 ± 0,035 s (0,202 -0,387; 216). Enfin, le nombre de modules émis par seconde est de 4.

Dans le domaine des fréquences, les modules des phrases de type 2 et les modules des phrases de type 3 présentent une moyenne des fréquences du maximum d’amplitude (Fig. 3A, B et Tableau 3: FM–2 et FM–3) analogue à l’échelle d’un mâle mais affichent une légère variation entre mâles de l’ordre de

1500 Hz. Leur fréquence dominante moyenne (Tableau 3: F1 –2 et F1 –3) et leur fréquence moyenne du second pic de moindre amplitude (Fig. 3A, B et Tableau 3: F2 –2 et F2 –3) sont également semblables à l’échelle d’un mâle mais présentent aussi quelques légères variations entre mâles, variations inférieures à 2000 Hz (F1* [F1 –2 & F1 –3] et F2 [F2 –2 & F2 –3], Tableau 3). La moyenne des fréquences du maximum d’amplitude (Fig. 2A et Tableau 3) pour les populations de France est de 14680 ± 844 Hz (13028-16925; 193), sa largeur de bande des fréquences du maximum d’amplitude étant de 3897 Hz. C’est au sein de cette largeur de bande de fréquences du maximum d’amplitude que s’inscrivent les deux pics d’amplitude inégale de fréquence moyenne (F1* et F2: Fig. 2 et Tableau 3). La fréquence dominante moyenne du premier pic d’amplitude (F1*) est de 14388 ± 562 Hz (13415-15353; 10) tandis que la fréquence moyenne du second pic de moindre amplitude (F2) est nettement plus haute en fréquence: 16361 ± 458 Hz (15655-17011; 10). Ces deux pics de fréquence moyenne à amplitude inégale sont émis pour chaque syllabe (I à VIII, Fig. 2C) et cela est particulièrement net lorsque les cymbales fonctionnent de façon asynchrone (Fig. 2C). La fréquence moyenne du second pic de moindre amplitude (F2) est générée par l’aller-retour d’une première cymbale (chiffres impairs: 1-3, Fig. 2C) tandis que la fréquence dominante moyenne du premier pic d’amplitude (F1*) est générée par l’aller-retour de la deuxième cymbale (chiffres pairs: 2-4, Fig. 2C). Ainsi, chacun des deux pics d’amplitude de fréquence moyenne F1* et F2 correspond à l’activité d’une cymbale (Fig. 2A, C). Un différentiel d’environ 2000 Hz sépare la fréquence dominante moyenne de chacune des deux cymbales et c’est le premier groupe des plus basses fréquences avoisinant les 14000 Hz (F1*) qui présente en moyenne l’amplitude la plus grande. Il peut également être noté une différence fréquentielle entre l’aller et le retour d’une même cymbale: le retour ayant une intensité plus haute en fréquences que l’aller (Fig. 2C).

DISTRIBUTION (FIG. 1 ET TABLEAU 1)

Le vallon du Réfréi, site initial où fut découverte pour la première fois l’espèce en France, se situe au sud du petit lac artificiel de la Pia, sur la commune de Tende, (département des Alpes-Maritimes). Il fit l’objet des premières prospections menées le 25.VI.2016 (Tableau 1, Fig. 1B). Une quinzaine de mâles purent être contactés sur cette première station le 25.VI.2016 à 11h30. Les prospections réalisées en périphérie de ce site initial ont permis de déceler de nouvelles stations dont les populations présentaient parfois d’importants effectifs. Ces populations se répartissent depuis le village de Tende, à partir de 820 m d’altitude environ (Tableau 1: stations n°2 et 3), jusque vers les hauteurs des « Granges de la Pia » à plus de 1000 m d’altitude (station n°14). Au-delà, d’autres recherches ont permis de recueillir des données plus ponctuelles, notamment dans le secteur de Viévola. Plus au nord, des mâles ont été entendus le long de la Route nationale 204 dans la vallée de la Roya en direction du Col de Tende (Fig. 1B), jusqu’à une altitude dépassant les 1200 m (Tableau 1: station n°26). Toutes ces stations (Tableau 1: stations n°1 à 28) sont situées sur la Commune de Tende et définissent une première aire de répartition de l’espèce d’une surface évaluée à 8,36 km 2 (Fig. 1B). Elles s’inscrivent dans une fourchette d’altitudes comprises entre 820 m et 1205 m environ.

Une deuxième aire de répartition de l’espèce peut être définie par des stations plus éloignées du site initial (Fig. 1B), se situant au sud de Tende à une distance d’environ 14 km à vol d’oiseau. Des mâles ont été en premier lieu entendus aux abords du village de Saorge (Tableau 1: station n°29) puis en différents points des reliefs environnants situés à l’est (Tableau 1: stations n°30 à 33). Nettement plus petite, la surface de répartition délimitée par ces stations avoisine 0,15 km 2. Ces stations s’inscrivent dans une fourchette d’altitudes comprises entre 470 et 645 m environ.

En l’état actuel des connaissances, l’aire totale de répartition de cette espèce nouvelle pour la France englobe 33 stations pour une surface évaluée à: 8,36 + 0,15 = 8,51 km 2. Son amplitude altitudinale totale est comprise entre 470 et 1205 m.

HABITATS (TABLEAU 1)

Le vallon du Réfréi (Tableau 1: station 1, site initial) est composé d’une mosaïque d’habitats sur sol calcaire et marno-calcaire (“C3b-7”,Turonien supérieur-Sénonien).Il s’agit d’une prairie thermophile disposée en fond de vallon à proximité de laquelle coule le ruisseau du Réfréi. Cette prairie est bordée au nord par une pelouse écorchée en talus, ce dernier étant surplombé par un massif forestier clairsemé et abrupt d’exposition sud/ sud-est. L’étage de végétation relève du subméditerranéen tempéré (SX3). Cicadetta sibillae colonise largement les parties basses situées en adret du massif montagneux dominant le vallon du Réfréi. L’étage de végétation de cette zone s’inscrit ici encore dans le subméditerranéen tempéré (SX3), à l’instar de la majorité des stations notées pour l’espèce (Tableau 1: 28 stations relevées dans l’étage SX3). Plus au nord et le long de la Route nationale 204, des mâles ont pu être entendus dans la vallée de la Roya en direction du col de Tende (Fig. 1B), jusqu’à 1200 m d’altitude, transgressant ainsi dans l’étage de végétation subméditerranéen frais SX4 (Tableau 1: stations n°14, 24, 25, 26 et 27). Dans l’ensemble, la majorité des stations se situent sur sol calcaire et marno-calcaire (“C3b-7”) et sur des formations superficielles et quaternaires indifférenciées. Cependant, deux stations situées immédiatement au sud de Viévola (Fig. 1B et Tableau 1: stations n°8 et n°22) se situent sur un sol non calcaire et plus acide: Anatexites de Fenestre (“M 2 y 1 ”).

Sur l’ensemble des points d’écoute et des habitats fréquentés par C. sibillae dans la région de Tende, les mâles ont pu être contactés par leurs émissions sonores dans différentes structures de végétation. Ces dernières sont détaillées pour chaque station dans le Tableau 1: strate herbacée (classes 1 et 2: prairies fauchées ou pâturées, mésophiles à thermophiles), lande rase ouverte à fermée (classes 4 et 6: prairies buissonnantes), strate arbustive (classes 3, 5, 7: landes à Genêts, boisements jeunes) et strate arborée (classes 8: ripisylves, lisières de boisements thermophiles). Bien que cette espèce fréquente occasionnellement la végétation herbacée (station 10, notamment: plusieurs mâles cymbalisant dans les graminées et dans un roncier en bordure de route), les mâles semblent toutefois montrer une préférence pour les arbustes ou les arbres de petite dimension (classes 5, 7 et 8 de végétation, très grande majorité des stations). Ils se tiennent alors principalement perchés aux extrémités des rameaux de faibles diamètres. Les feuillus, tout comme les résineux, sont utilisés comme perchoir par les mâles.

À l’échelle de sa répartition sur le territoire national, C. sibillae partage ses habitats avec quatre espèces de cigales (Fig. 1B). Selon les localités et les habitats fréquentés par cette dernière, plusieurs cortèges d’espèces associées ont été mis en évidence. C’est en compagnie de C. petryi que C. sibillae fut le plus régulièrement notée. Sur une même station et durant la période de prospection, le nombre de mâles émetteurs de C. petryi était souvent plus réduit que ceux de C. sibillae. Plus haut en altitude et dans des habitats plus xérophiles, Tettigettalna argentata (Olivier, 1790) cohabite avec C. sibillae et C. petryi, notamment dans le secteur des « Granges de la Pia » (Fig. 1B et Tableau 1) où les landes à Genêts couvrent d’anciennes terrasses de cultures. Très ponctuellement, Tibicina haematodes (Scopoli, 1763) accompagne les deux espèces de Cicadetta en ripisylve (une seule observation dans le vallon du Réfréi). Enfin à Saorge, C. sibillae a été observée en association avec C. petryi, T. argentata et Tettigettula pygmea (Olivier, 1790) sur des terrasses cultivées et dans les mêmes classes de végétation.

En ajoutant la présence de C. sibillae pour le territoire national, le complexe Cicadetta montana sensu lato comprend dorénavant sept espèces en France, Corse incluse. Les caractéristiques acoustiques spécifiques permettent de subdiviser ce complexe en deux sous-complexes: le groupe C. brevipennis s.l. (Hertach et al., 2016) constitué de quatre espèces (C. montana (Scopoli, 1772); C. petryi Schumacher, 1924, C. fangoana Boulard, 1976 et C. brevipennis litoralis Puissant & Hertach, 2016) et le groupe C. cerdaniensis s.l. (Hertach et al., 2015) composé de trois espèces (C. cerdaniensis Puissant & Boulard, 2000; C. cantilatrix Sueur & Puissant, 2007 et C. sibillae). Le groupe C. cerdaniensis s.l. au sein duquel s’inscrit C. sibillae est caractérisé par une cymbalisation d’appel nuptial composée de modules courts, structurés en deux ou trois types de phrases selon les espèces. En l’état actuel des connaissances, il n’est pas possible de proposer une clef d’identification morphologique exhaustive pour l’ensemble des taxons de France métropolitaine. Les critères acoustiques portant sur les cymbalisations d’appel nuptial restent en effet à ce jour le moyen le plus fiable pour une identification spécifique. La clef acoustique présentée cidessous est le seul travail actuellement disponible permettant l’identification par leurs émissions sonores de l’ensemble des taxons du genre Cicadetta présents en France métropolitaine. Pour obtenir de plus amples précisions sur les caractéristiques acoustiques de chacun des sept taxons abordés, des références bibliographiques sont précisées derrière chaque nom d’espèce. Afin de faciliter l’identification de chacune d’elles, il est indiqué l’aire de répartition du taxon lorsqu’elle est restreinte à une petite partie du territoire national.

Notes

Published as part of Puissant, Stéphane & Gurcel, Kevin, 2018, Cicadetta sibillae Hertach & Trilar, 2015, nouvelle espèce de cigale pour la France (Hemiptera, Cicadidae) et premières analyses des sons complexes émis durant la cymbalisation d'appel nuptial, pp. 143-158 in Zoosystema 40 (8) on pages 149-154, DOI: 10.5252/zoosystema2018v40a8, http://zenodo.org/record/3738271

Files

Files (16.0 kB)

Name Size Download all
md5:a994d9cf9e36cc471d16c45e28b56f55
16.0 kB Download

System files (124.9 kB)

Name Size Download all
md5:8e46ff03e489f27af0a64d7fb6936cb2
124.9 kB Download

Linked records

Additional details

Biodiversity

Collection code
KG , MNHN
Event date
2016-06-25 , 2016-06-26
Family
Cicadidae
Genus
Cicadetta
Kingdom
Animalia
Material sample ID
MNHN-EH-23653, MNHN-EH-23654
Order
Hemiptera
Phylum
Arthropoda
Scientific name authorship
Hertach & Trilar
Species
sibillae
Taxon rank
species
Verbatim event date
2016-06-25 , 2016-06-26
Taxonomic concept label
Cicadetta sibillae Hertach, 2015 sec. Puissant & Gurcel, 2018

References

  • HERTACH T., TRILAR T., WADE E. J., SIMON C. & NAGEL P. 2015. - Songs, genetics, and morphology: revealing the taxonomic units in the European Cicadetta cerdaniensis cicada group, with a description of new taxa (Hemiptera: Cicadidae). Zoological Journal of the Linnean Society 173: 320 - 351. https: // doi. org / 10.1111 / zoj. 12212
  • PUISSANT S. & BOULARD M. 2000. - Cicadetta cerdaniensis, espece jumelle de Cicadetta montana decryptee par l'acoustique (Auchenorhyncha, Cicadidae, Tibicinidae). Ecole pratique des Hautes Etudes, Biologie et evolution des Insectes 13: 111 - 117.
  • HERTACH T., PUISSANT S., GOGALA M., TRILAR T., HAGMANN R., BAUR H., KUNZ G., WADE E. J., LOADER S. P., SIMON C. & NAGEL P. 2016. - Complex within a Complex: Integrative Taxonomy Reveals Hidden Diversity in Cicadetta brevipennis (Hemiptera: Cicadidae) and Unexpected Relationships with a Song Divergent Relative. PLoS ONE 11 (11): 1 - 41. https: // doi. org / 10.1371 / journal. pone. 0165562
  • BOULARD M. 1976. - Cicadetta fangoana, une Cigale nouvelle pour la faune de France et la Science. L'Entomologiste 32 (4 - 5): 153 - 158.