MONDE MUSULMAN

PAUL WORMSER ET THIBAUT D’HUBERT

Représentations du monde dans le golfe du Bengale au XVIIe siècle : Ālāol et Rānīrī

Les échanges commerciaux dans le golfe du Bengale et l’activité de certains ports insérés dans ce réseau ont été l’objet de plusieurs études au cours des dernières décennies. Jusqu’à présent les sources principales pour l’histoire de cette région du monde ont été les récits de voyages et autres documents occidentaux. Les travaux de chercheurs comme Denys Lombard, Claude Guillot, Sanjay Subrahmanyam ou Muzaffar Alam1 ont aussi mis en lumière l’importance des sources en persan et en langues régionales. L’utilisation de ces sources a entraîné un regain d’intérêt pour des sujets autres que l’histoire économique au sens strict. Les échanges ne concernaient pas uniquement les biens matériels, mais aussi les idées et les attitudes culturelles. Cet article s’inscrit dans la continuité de ces travaux et se pose comme une contribution à l’exploration du pendant culturel d’une histoire économique. Le golfe du Bengale avait un réseau de commerce interne établi depuis longtemps qui était lui-même un maillon dans la chaîne d’un circuit beaucoup plus large qui reliait l’Europe à la Chine2. Pour le XVIIe siècle, période que nous étudions ici, on peut tracer un triangle qui relie le Bengale et la Birmanie aux côtes du Coromandel et au Nord de Sumatra. Le renforcement des routes commerciales correspond aussi à une période d’islamisation des

Archipel 76, Paris, 2008, pp. 15-35