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La Mettrie et l'immoralisme sadien

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Fait partie d'un numéro thématique : La Bretagne littéraire au XVIIIe siècle.
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La Mettrie et l'immoralisme sadien

Les lumières poussèrent-elles Sade sinon au crime (le châtelain de Lacoste ne tua jamais personne...), du moins à l'éloge et au culte abstrait du crime ? Ce n'est pas ici le lieu de poser de nouveau cette question, qui aussi bien déborderait le cadre du présent colloque (1). L'objet des pages qui suivent sera plus limité et nous le formulerions volontiers ainsi : à supposer que les lumières poussent à l'éloge du crime, Sade y fut-il conduit par sa lecture de La Mettrie ? L'auteur de Y Anti-Sénèque a-t-il été l'Adrien Sixte dont le divin marquis, Robert Greslou promu aristocrate, serait le Disciple ? Sade lui-même nous autorise à en former l'hypothèse : s'il loue « l'aimable La Mettrie » (2) et le range parmi « les vrais philosophes » (3), c'est à propos de thèses éthiques — ou contre-éthiques — telles que la vanité de la délicatesse en amour ou la valeur positive du prétendu « forfait de la destruction ». Sade n'honore pas seulement en La Mettrie le médecin matérialiste (4). L'expression de son allégeance va au théoricien de l'égoïsme et à l'apologiste du meurtre.

La question devient alors : La Mettrie fut-il bien cet homme-là ? Mérita-t-il qu'on se réclamât de lui en pareils termes ? Les « livres divins » du médecin de Saint-Malo (et de Potsdam) appelaient-ils vraiment cette lecture ? Le « scandaleux bonheur de La Mettrie » (5) s'ex- prima-t-il, au plan de la théorie, par l'éloge du « bonheur dans le crime » (6) ? Nous voudrions montrer qu'on doit répondre négativement à ces questions et que le disciple a majoré, pour ne pas dire gauchi, la pensée du maître, transmuant de façon indue la description en prescription.

Qu'on nous permette une remarque préliminaire. Une note de la Nouvelle Justine allègue l'autorité de La Mettrie en faveur d'un érotis- me de la litote, d'autant plus suggestif qu'il sera gazé :

« On dit mieux les choses en les supprimant, écrit La Mettrie quelque part ; on irrite les désirs, en aiguillonnant la curiosité de l'esprit sur un objet en partie couvert, qu'on ne devine pas encore, et qu'on veut avoir l'honneur de deviner. » Tels sont les motifs de la gaze que nous jetons sur les scènes que nous ne faisons qu'annoncer (7).

La citation, faite de mémoire, n'est qu'approximative, mais l'important, le significatif, doit être cherché ailleurs : dans l'évidente ironie qu'un tel « hommage » révèle. Sade n'est pas Crébillon fils et la Nouvelle Justine, bourrée d'interminables et fastidieuses descriptions, est l'un des moins « gazés » parmi les romans de Sade. L'auteur se moque ici du lecteur... Du lecteur seulement ? Il semble bien que cet humour noir atteigne aussi — et d'abord — La Mettrie : l'allégeance jouxte ici la dérision.

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