ÉTUDE COMPARÉE DE LA PERCEPTION ET DE L'ESTIMATION DE LA DURÉE CHEZ LES ENFANTS ET LES ADULTES (*)

par P. Fraisse

La psychologie, en se basant sur une analyse subjective de notre expérience de la durée, distingue la durée perçue de la durée estimée.

La durée est dite perçue lorsque nous croyons saisir d'un même coup ses limites et tous les événements qui la remplissent. Nous percevons ainsi le tic tac de l'horloge ou la durée des signaux morses. Ce fait si caractéristique d'une perception du successif en une relative simultanéité a donné naissance à la conception du présent psychologique. Nous avons une perception globale non seulement dans l'espace, mais aussi dans le temps. Cependant, dès que la durée d'un événement dépasse deux à trois secondes, elle cesse d'être perçue pour devenir l'objet d'une e stimation qualitative ou quantitative, dont nous connaissons par notre expérience quotidienne la grande difficulté. Pour estimer la durée d'un film, d'une conversation, d'un travail, nous avons recours à des moyens indirects qui sont essentiellement — à défaut d'horloge — l'utilisation de repères extérieurs (position du soleil par exemple), ou organiques (sensation de faim ou de fatigue) ou de réactions affectives résultant de notre activité pendant la durée considérée (la longueur de l'attente ou la brièveté du jeu.)

Cette distinction ne s'appuie que sur notre expérience subjective ; nous avons longtemps été préoccupé par la possibilité de mettre objectivement en évidence son fondement. Si les processus perceptifs sont différents des processus d'estimation, les premiers doivent être plus sûrs et plus précis que les seconds. Cette première inspiration nous avait conduit à rechercher dans la littérature psychologique d'abord, puis