Bull, et Mém. de la Soc. d'Anthrop. de Paris, n.s., t. 3, n° 1-2, 1991, pp. 115-130
« LES BAS-FONDS DE LA SCIENCE FRANÇAISE »
CLÉMENCE ROYER, L'ORIGINE DE L'HOMME ET
LE DARWINISME SOCIAL
Claude Blanckaert *
Traductrice de l'Origine des espèces de Charles Darwin (1862), premier membre féminin de la Société d'Anthropologie de Paris, Clémence Royer (1830-1902) voyait dans la science de l'homme le «dernier et le plus bel anneau» de la chaîne des sciences, celui qui les résume toutes en les justifiant (Royer, 1985 : 124). On ne saurait dire toutefois qu'elle fut anthropologue ou biologiste au sens technique et académique de ces mots. A une époque de professionnalisation croissante des sciences naturelles, sa «philosophie synthétique « de la nature couvrait de ses postulats évolutionnistes généraux l'entière intelligence de l'univers, de l'atome à l'économie politique. Elle refusait, avec une énergie toute militante, la division du travail intellectuel, affirmant que le «spécialisme scientifique nous perd» (Royer, 1891b: 21). Quoique autodidacte, amateur sans intégration académique, С Royer n'était pas seule à dénoncer le repli frileux des «professeurs» dans
* Centre A. Koyré - G. D. R. 890 du С N. R. S. - 7, rue Dajot 77000 Melun.