Elsevier

Bulletin du Cancer

Volume 100, Issue 3, March 2013, Pages 271-282
Bulletin du Cancer

Optimisation du bon usage et maîtrise des coûts des médicaments anticancéreux : expérience de l’Observatoire dédié au Cancer Bretagne – Pays-de-la-LoireOptimizing good use and costs of anticancer drugs: A French inter regional study of the Observatory of Cancer

https://doi.org/10.1684/bdc.2013.1715Get rights and content

Résumé

L’optimisation de la prise en charge des patients est un enjeu majeur pour notre société. En Bretagne Pays-de-la-Loire (B PL) (10 % de la population française), un Observatoire dédié au Cancer (ex., Observatoire des médicaments et des innovations thérapeutiques ou OMIT B PL) a été créé en 2003 dont l’objectif premier était le suivi des médicaments onéreux. La connaissance de l’utilisation de ces médicaments en pratique courante a conduit à l’élaboration d’un référentiel de bon usage. Ainsi, des échanges réguliers entre pairs ont réduit a posteriori puis a priori les prescriptions non justifiées par le référentiel qui a d’ailleurs laissé place aux référentiels nationaux à partir de 2007. Ainsi, pour l’inter région, la maîtrise des prescriptions a permis d’économiser 2,5 millions d’euros concernant la gemcitabine entre 2005 à 2008 et 3 millions d’euros concernant le bévacizumab (restreint au cancer du sein) entre 2008 et 2009. L’optimisation du bon usage des médicaments anticancéreux a donc permis une réelle économie de santé et cela, sans influence néfaste sur la prise en charge du patient en respectant l’éthique médicale. L’objectif premier reste toujours d’obtenir le meilleur rapport bénéfice/risque pour le patient dans un souci d’optimisation des soins. Cette démarche très participative des praticiens permet actuellement de réfléchir ensemble sur la pertinence de l’ultime chimiothérapie.

Abstract

Optimizing the care management of patients is a major issue for our society. In Brittany-Pays-de-la-Loire (almost 10% of French population), an observatory of cancer has been created in 2003. Its main objective was the follow-up of expensive drugs. The knowledge of the use of these drugs in clinical practice has led to development of a thesaurus of good use. Thus, regular exchanges between clinicians have almost totally reduced not medically justified prescriptions by the thesaurus after and before administration to patient. The thesaurus has given away to national guidelines from 2007. For example, in these two regions, optimization of the use of gemcitabine and bevacizumab has allowed to save respectively 2.5 millions euros between 2005 and 2008 and 3 millions euros between 2009 and 2010 (breast cancer only). Optimizing the use of anticancer drugs has allowed a real health economy without any bad impact on patient management. Respecting medical ethics, the main objective remains to optimize health care. This highly participation of clinicians currently allows to reflect together on the relevance of the last chemotherapy.

Introduction

L’Observatoire dédié au cancer Bretagne et Pays-de-la-Loire (B PL, ex. Observatoire des médicaments et des innovations thérapeutiques B PL ou OMIT BPL) a vu le jour en 2003. Sa création a été le fruit de la volonté conjuguée des directeurs de l’ARH Bretagne (madame Annie Podeur) et Pays-de-la-Loire (monsieur Benoît Péricard) ainsi que des professionnels de santé des centres publics et privés des deux régions. L’objectif principal de l’Observatoire a été de privilégier une réflexion globale sur le bon usage du médicament (concept du meilleur usage pour chaque patient). Grâce à un système de veille scientifique depuis sa création, une réactivité « en temps réel » a été organisée, permettant de faire bénéficier les patients d’avancées scientifiques pertinentes et novatrices communiquées lors de congrès ou publiées dans des revues scientifiques. D’un autre côté, cette même réactivité permet de mettre en évidence des bénéfices/risques observés sur le terrain par les professionnels, identifiés par le bon sens clinique et basés sur l’expérience accumulée.

Le suivi de plusieurs médicaments anticancéreux par l’Observatoire a permis et continue d’apporter une connaissance de l’usage réel de ces molécules, des pratiques de terrain et engendre de nombreux échanges entre les praticiens, notamment sur des forums spécialisés et un forum général. Cela contribua notamment à l’élaboration par l’Observatoire d’un référentiel de bon usage inter régional dès 2004. Ce travail, fruit d’une coopération étroite entre les praticiens et l’Observatoire, a permis d’identifier les indications pouvant apporter un progrès pour les patients, de celles qui ne semblaient pas apporter ce bénéfice ou qui avaient besoin de données complémentaires. La communauté a rapidement adhéré aux études de cohorte nécessaires afin d’évaluer ces nouveaux protocoles, d’anticiper les risques redoutés ou bien de répondre à des questions de santé publique [1]. Ces études concernent aussi bien le rapport bénéfice/risque des médicaments (bévacizumab [2], cétuximab [3], panitumumab [4] ou encore la succession de thérapies ciblées [5, 6]) que des thèmes tels que la pharmacovigilance (alopécies persistantes post-chimiothérapie [7, 8], toxicité cardiaque du trastuzumab [9], recueil d’évènements indésirables sous docétaxel ou bévacizumab [10]), le consensus anatomopathologique (récepteur HER2 dans le cancer de l’estomac), la pertinence des thérapeutiques palliatives [11] ou la prise en charge des personnes âgées [2]. Le référentiel inter régional a laissé place aux référentiels nationaux depuis 2007. Les praticiens de l’inter région représentent alors une force de proposition active et dynamique dans l’actualisation des référentiels nationaux (nouveaux PTT, nouvelles recommandations…).

Depuis 2005, le remboursement de médicaments coûteux et innovants par l’assurance maladie est assujetti à la signature d’un contrat de bon usage des médicaments (CBUM) entre le représentant de l’établissement de santé, le directeur de l’Agence régionale de santé (ARS) et le médecin-conseil régional du régime général de l’assurance maladie. Le décret no 2005-1023 du 24 août 2005 prévoit qu’un Observatoire des médicaments, des dispositifs médicaux et de l’innovation thérapeutique (OMEDIT) régional ou inter régional assure une fonction d’observation et d’expertise scientifique.

En 2009, la loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) indique la réduction du montant des remboursements des médicaments des établissements de soins en cas d’augmentation non justifiée de leurs dépenses annuelles de plus de 10 % ; ce chiffre est revu tout les ans à la baisse et s’élève à 2 %, en 2012. D’après les études de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), l’augmentation des dépenses est liée essentiellement à la cancérologie et au coût des thérapies innovantes.

Depuis fin 2011, les ARS de B PL ont souhaité la création d’un OMEDIT par région et ont adopté une nouvelle gouvernance pour l’OMIT. Celui-ci est rattaché à chaque OMEDIT mais reste inter régional et adopte désormais le nouveau vocable d’ « Observatoire dédié au cancer B PL » pour une meilleure lisibilité auprès des professionnels de santé et auprès des Institutions.

Il demeure pour autant que le suivi des médicaments anticancéreux par cet outil depuis 2003 reste d’actualité et révèle globalement un très bon usage des médicaments innovants par les cliniciens de l’inter région [1].

Le Comité régional du médicament des Pays-de-la-Loire (futur OMEDIT) révèle, dans un article paru en 2010, que globalement le bon usage des médicaments innovants et coûteux en Pays-de-la-Loire est respecté et que l’utilisation hors référentiel est plus importante dans les établissements prenant en charge des patients atteints d’un cancer mais que ces utilisations étaient le plus souvent justifiées dans le cadre d’une réflexion bénéfice/risque [12].

Pour autant, une analyse approfondie des informations recueillies en concertation avec les cliniciens est susceptible de faire évoluer les pratiques tout en respectant l’éthique professionnelle sans laquelle il n’y aurait pas d’adhésion des praticiens. En outre, il est possible d’agir ensemble grâce aux démonstrations scientifiques reconnues par tous et au climat de confiance instauré. Les exemples les plus pertinents concernent la baisse des prescriptions de chimiothérapie dans les localisations hors référentiel ou dans les cancers au stade très avancés (gemcitabine) ou bien dans une ligne thérapeutique non reconnue (bévacizumab cancer du sein au-delà de la deuxième ligne métastatique).

La connaissance réelle du terrain, les échanges entre pairs, l’écoute des professionnels, les études de cohorte ou de suivi sont autant d’éléments probants qui favorisent l’adhésion, l’intérêt de la communauté médicale et donc l’optimisation des soins. Cette optimisation est immanquablement liée à la maîtrise des coûts puisque : « bien prescrire c’est déjà faire des économies éthiques et utiles pour tous ».

Section snippets

Recueil

Depuis sa création, l’Observatoire assure le suivi de plusieurs médicaments chaque année via le recueil de données cliniques et thérapeutiques : sexe, âge, localisation de la tumeur (codification CIM 10), type de maladie, inclusion dans un essai clinique, posologie, association, date de début et de fin de traitement, cause d’arrêt du traitement. Près de 50 établissements publics et privés de B PL (tableaux 1 et 2) transmettent ces données tous les semestres. Le nombre de patients colligés est

Objectif

L’objectif de ce travail est de démontrer la pertinence et l’efficacité des réflexions collectives et participatives de l’Observatoire concernant l’amélioration des pratiques ou les indications hors groupe d’un médicament.

L’indicateur retenu est la diminution de la catégorie SMJ à champs constants et de façon durable. L’analyse sera à la fois qualitative et quantitative.

Évaluation des économies réalisées par l’optimisation des prescriptions de gemcitabine

Le coût des traitements à base de gemcitabine a été évalué à partir de données statistiques moyennes, calculées entre le 1er avril et le 30 septembre 2004, concernant la posologie administrée, la surface corporelle d’un patient ainsi que le nombre de doses reçues. Le tarif au milligramme de gemcitabine, évalué sur le prix de base industrielle TTC, est de 0,206 €. Entre le 1er avril et le 30 septembre 2004 (six mois), il y a eu 210 prescriptions SMJ, ce qui représente un coût de 442 010 €.

Description des situations à justifier SMJ de 2005 à 2011

En 2006, l’Observatoire a colligé, de façon rétrospective par rapport aux premiers référentiels INCa de janvier 2007, quatre patients en SNA traités par irinotécan en adjuvant mais ces situations ont disparu définitivement par la suite. De 2005 à 2011, selon les molécules suivies, les SMJ ont diminué de 18 à 7 % (tableau 3). Durant la même période, le pourcentage de prescriptions « non justifiées » a décliné de 4 à 0,2 %. Ces résultats très encourageants témoignent de l’efficacité de cet outil

Discussion

Le suivi de différents médicaments anticancéreux par l’Observatoire a très rapidement mis en évidence une faille : l’absence de référentiels permettant de définir clairement les situations pertinentes ou pas en dehors de l’AMM. C’est pourquoi, dès 2004, l’Observatoire a réalisé ce référentiel par médicament qui a laissé place aux référentiels nationaux à partir de 2007. Ce travail est actualisé tous les ans.

Entre 2004 et 2008, la mise en place d’une démarche médicale raisonnée scientifique et

Conclusion

Entre 2004 et 2010, le suivi des médicaments anticancéreux par l’Observatoire a permis la mise en place d’outils (référentiels, forum…) qui, associés à la réflexion des cliniciens et la remise en cause de certaines prescriptions, a permis la réduction des prescriptions non justifiées à un niveau très faible (1 % des prescriptions). Par ailleurs, le taux de prescriptions SMJ, toutes molécules confondues, a fortement diminué (de 31 à 3 %). Une part assez modeste a été réorientée vers des

Conflits d’intérêts

aucun.

Remerciements

Remerciements à Mlle Aude de Fallois et à Mesdames Fanny Marhuenda et Delphine Déniel Lagadec, Attachées de Recherche Clinique de l’Observatoire dédié au Cancer B PL pour leur aide précieuse dans la rédaction de cet article ainsi qu’aux Drs Maupetit, Rondeau et Zamparutti pour leur relecture avisée.

Références (21)

  • F. Grudé et al.

    Productions de l’Observatoire des Médicaments et des Innovations Thérapeutiques des régions Bretagne et Pays de la Loire : OMIT B PL

    Nouv Cancerol

    (2009)
  • J. Metges et al.

    FOLFIRI bevacizumab in unresectable metastatic colorectal cancer (UMCC) in the true life, feasible in elderly patients (EP): results of the cohort from OMIT Bretagne-Pays de Loire

    ASCO – Gastrointestinal Cancers Symposium

    (2009)
  • J.P. Metges et al.

    A European reglementation for cetuximab still required the EGFR positive status: Results of a French Translational Study OMIT of 329 patients to define if this criteria is relevant

    36th ESMO congress

    (2010)
  • F. Grudé et al.

    Efficacity and safety of panitumumab in mCRC patients: a post-AMM OMIT study

    J Clin Oncol

    (2012)
  • J.P. Metges et al.

    Management of unresectable metastatic colorectal cancer (MCRC) in the real world with successive regimens with targeted therapies (bevacizumab and cetuximab): the experience of the OMIT Bretagne Pays de la Loire

    ECCO 15 – ESMO 34th

    (2009)
  • J. Metges et al.

    PANERB study: panitumumab after cetuximab-based regimen failure

    J Clin Oncol

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    Long term persistent alopecia and suboptimal hair regrowth after adjuvant chemotherapy for breast cancer: alert for an emerging side effect: ALOPERS observatory

    35th ESMO Congress

    (2010)
  • H. Bourgeois et al.

    Alopécies persistantes après chimiothérapies adjuvantes dans le cancer du sein: alerte sur l’émergence d’effets secondaires: observatoire ALOPERS

    2e Congrès de l’Association francophone pour les soins oncologiques de support

    (2010)
  • F. Grudé et al.

    étude de phase IV de pharmacovigilance portant sur la toxicité cardiaque du trastuzumab en néoadjuvant et adjuvant dans le cancer du sein. Analyse conduite par l’Observatoire des Médicaments et des Innovations Thérapeutiques de Bretagne et des Pays de la Loire (OMIT B PL)

    Oncologie

    (2010)
  • Ruellan AL, Belissant E, Bourgeois H, et al. Collaboration entre OMIT et CRPV : premiers résultats sur la...
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Cited by (0)

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