Lettres à la rédactionMédecine fondée sur les preuves (EBM) et recommandations pour la pratique clinique (RPC) : à propos de trois idées faussesEvidence-based medicine (EBM) and clinical practice guidelines (CPG): About three misconceptions
Introduction
Les associations professionnelles et les agences gouvernementales – par exemple, en France la Haute Autorité de Santé (HAS) – publient régulièrement des recommandations de « bonne » pratique clinique (RPC). Ces RPC ont pour objectif principal d’assister les professionnels de santé dans les décisions qu’ils prennent quotidiennement pour soigner leurs patients. La prolifération et le succès de ces RPC s’accompagnent de la diffusion d’idées fausses à leur propos et des pratiques incohérentes peuvent en résulter. La compréhension d’un tel phénomène est de nature à optimiser l’utilité éventuelle des RPC. Alonso-Coello et al. [1] ont récemment passé en revue quelques-unes des insuffisances les plus criantes, en termes de qualité, des RPC actuellement publiées. Parmi elles, nous avons souhaité dans la présente lettre insister sur celles qui nous semblent être les plus susceptibles d’annihiler le principe même de « bonne » pratique, en choisissant de les aborder sous l’angle des idées fausses que de telles insuffisances sous-tendent. Aborder ce sujet sous cet autre angle pourrait en effet nous permettre de mieux le comprendre.
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Première idée fausse : les opinions (y compris celles d’experts) valent moins que les preuves
Un préjugé assez répandu consiste à croire que dans une RPC les preuves ont forcément plus de valeur que les opinions des experts car les jugements des experts peuvent être biaisés, tandis que les preuves seraient, par nature, objectives. Ce préjugé s’observe particulièrement bien dans les RCP où, sous forme de tableaux, des échelles de preuves nous sont présentées dans le haut desquelles se trouvent les essais contrôlés (niveau de preuve élevé), puis en-dessous les études « observationnelles »
Deuxième idée fausse : les situations pour lesquelles aucune preuve n’existe sont fréquentes en médecine
Un autre préjugé assez répandu consiste à croire qu’en absence de preuves, les recommandations « peuvent » se fonder sur les opinions d’experts. Une variante de ce préjugé-là consiste à considérer qu’il faut s’abstenir de faire une recommandation quand on ne dispose d’aucune preuve. Le point commun, et faux, de ces deux préjugés-là laisse croire que l’absence de preuves serait une situation somme toute banale en médecine. Rares pourtant sont les situations pour lesquelles nous ne disposons
Troisième idée fausse : une recommandation de « bonne » pratique clinique (RPC) peut ne pas être claire et explicite
Le dernier préjugé sur lequel il nous paraît utile d’insister consiste à croire qu’il serait acceptable de formuler une RPC qui ne réponde pas à une (ou plusieurs) question(s) claire(s). En médecine, poser une question claire revient, au minimum, à clarifier les quatre éléments de l’abréviation Patient, Intervention, Comparator, Outcome (PICO) [7]. Le seul de ces quatre mots anglais qui puisse poser un problème de traduction en français est le mot outcome, qui signifie ici conséquence,
Conclusion
En conclusion, les propositions suivantes prennent à « contre-pied » les trois idées fausses discutées ci-dessus et résument notre court exposé :
- •
dans une RPC il faut des preuves pour soutenir les opinions car les opinions qui n’explicitent pas les preuves sur lesquelles elles se fondent peuvent correspondre à des situations où les experts n’ont pas examiné toutes les catégories de preuves disponibles et pourraient donc se tromper dans leur appréciation de la balance bénéfices/risques/coûts
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Références (11)
- et al.
GRADE guidelines: 3 Rating the quality of evidence
J Clin Epidemiol
(2011) - et al.
GRADE guidelines: 2 Framing the question and deciding on important outcomes
J Clin Epidemiol
(2011) - et al.
Approche critique des critères diagnostiques de coagulation intravasculaire disséminée
Réanimation
(2008) - et al.
The quality of clinical practice guidelines over the last two decades: a systematic review of guideline appraisal studies
Qual Saf Health Care
(2010) - Aakre KM, Watine J, Bunting PS, Sandberg S, Oosterhuis WP. Self-monitoring of blood glucose in patients with diabetes...
Cited by (5)
Qualitative research: Its relevance and necessity in physiotherapy
2016, KinesitherapieA systematic approach to searching: An efficient and complete method to develop literature searches
2018, Journal of the Medical Library AssociationThe life of the French Society of Clinical Biology: Updates of the working groups
2013, Annales de Biologie Clinique
- 1
Working Group on Guidelines (WG-Guidelines) of the European Federation of Laboratory Medicine (EFLM).
- 2
Groupe de veille Evidence-Based Laboratory medicine et guidelines de la Société française de biologie clinique (SFBC).