CliniqueÉlaboration de recommandations pour le suivi somatique des patients atteints de pathologie mentale sévèreDrawing up guidelines for the attendance of physical health of patients with severe mental illness
Introduction
L’intérêt porté à la santé physique des patients souffrant de pathologie mentale sévère est récent. Depuis une vingtaine d’années, le nombre croissant de travaux sur l’association entre pathologies organiques et pathologies mentales a permis de confirmer l’existence d’une comorbidité. Par ailleurs, de nombreuses études ont constaté une surmortalité par des causes naturelles (désignées ainsi à la différence des suicides et des morts violentes) ainsi qu’une prévalence accrue d’affections organiques chez ces patients par rapport à la population générale. Mais quelle est la nature des liens entre les deux types de pathologies ? Il est ainsi légitime de s’interroger sur l’existence d’un lien de causalité entre elles, ou de facteurs favorisant cette association, ou encore de pathologies induites par les traitements psychotropes.
Les patients souffrant de schizophrénie ont une mortalité plus importante que la population générale [5], la cause la plus fréquente des décès étant représentée par les maladies cardiovasculaires [15]. Par ailleurs, il existe une surmortalité importante dans cette population, avec une espérance de vie écourtée de 25 ans en moyenne par rapport à la population générale [18]. Cette surmortalité est également retrouvée en France parmi les patients schizophrènes [6], [14].
L’introduction des antipsychotiques en 1952 a transformé la vie des patients atteints d’une pathologie mentale sévère, mais ces neuroleptiques classiques avaient des effets secondaires importants, notamment sur le plan neurologique. Depuis une douzaine d’années, l’introduction des antipsychotiques atypiques ou de seconde génération a été largement promue en raison de leur efficacité clinique et des effets secondaires moins importants que ceux des neuroleptiques classiques, notamment sur le plan des effets extrapyramidaux. Mais de nombreuses publications font état de l’association de leur emploi avec la survenue d’une prise pondérale, de diabète, de dyslipidémie [3], [9], [10], [18], [20]. De fait, les patients atteints de pathologie mentale sévère ont une prévalence élevée d’anomalies métaboliques, incluant l’obésité, le diabète et la dyslipidémie.
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Les comorbidités
Toutes les études de comorbidité montrent que 30 à 60 % des patients consultants ou hospitalisés présentent au moins une pathologie organique associée. Les maladies cardiovasculaires s’inscrivent pour leur immense majorité dans le cadre de facteurs de risque primaires et modifiables, tels que la surcharge pondérale, le tabagisme, le diabète, l’hypertension artérielle, les anomalies lipidiques [17], mais également le mode de vie, une mauvaise hygiène alimentaire, le défaut d’exercice musculaire,
La problématique actuelle
En raison de l’association étroite entre obésité, diabète, dyslipidémie et maladies cardiovasculaires, il est légitime de s’interroger sur les relations entre la prescription des antipsychotiques et la survenue de ces facteurs de risque cardiovasculaire, d’autant que les polyaddictions, les facteurs de risque primaires observés dans les schizophrénies ou troubles bipolaires constituent en eux-mêmes des facteurs de risque cardiovasculaires importants. Il convient néanmoins de souligner que la
Recommandations existantes
Des recommandations ont été publiées pour le suivi des patients traités par antipsychotiques au regard du développement des anomalies métaboliques : six propositions de recommandations furent publiées entre 2004 et 2005, dont nous résumons dans le Tableau 3 les principales caractéristiques [3], [4], [8], [10], [13], [19], [20], [21]. Comme on peut le constater, il n’existe pas de consensus, avec des différences entre les propositions d’évaluation et de suivi.
Les enjeux des recommandations
Les recommandations visent surtout à :
- •
dépister les patients à risque métabolique et cardiovasculaire, justifiant une évaluation et un suivi plus étroits ;
- •
évaluer les patients à risque ;
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assurer le suivi des patients.
En cas de glycémie à jeun supérieure ou égale à 1,0 g/l et inférieure à 1,26 g/l
- •
Cette valeur doit être confirmée par un second dosage ;
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réévaluer les facteurs de risque cardiovasculaire ;
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la prise en charge justifie :
- ∘
dans tous les cas la mise en place de mesures hygiénodiététiques adaptées,
- ∘
outre les adaptations hygiénodiététiques, l’emploi de metformine est envisageable pour éviter l’évolution vers un diabète franc,
- ∘
l’avis d’un spécialiste (diabétologue/endocrinologue) doit être sollicité.
- ∘
En cas de diabète (glycémie à jeun supérieure ou égale à 1,26 g/l ou glycémie à tout autre moment de la journée supérieure ou égale à 2 g/l)
- •
Une prise en charge sur le plan hygiénodiététique : l’activité physique et les
Quand changer l’antipsychotique ?
La survenue d’anomalies clinicométaboliques lors du suivi d’un traitement antipsychotique doit faire penser à un changement d’antipsychotique :
- •
en cas de prise de poids supérieur ou égal à 7 % du poids initial, on peut envisager une substitution par un autre antipsychotique moins délétère sur le plan métabolique ;
- •
il faut toujours tenir compte du contexte psychiatrique et la question du meilleur compromis entre le bénéfice espéré d’une molécule et les effets secondaires attendus devra toujours
Quelles recommandations pour les patients atteints de pathologie mentale sévère et traités ?
Les antipsychotiques et surtout les antipsychotiques atypiques sont utilisés dans de nombreuses indications : psychose, trouble bipolaire, dépression psychotique, autisme etc.
Les données concernant la relation entre d’autres pathologies mentales que la schizophrénie ou le trouble bipolaire et l’existence de désordres métaboliques sont limitées. Quoi qu’il en soit, les patients atteints de troubles unipolaires sont aussi à risque d’anomalies clinicométaboliques. Une attitude prudente s’impose
Information du patient
Avant de débuter un traitement antipsychotique, la nécessité de ce traitement, les avantages et l’exigence d’une bonne observance doivent être discutés avec les patients. Par la même occasion, il faut informer les patients des facteurs de risque primaires modifiables et des effets secondaires du traitement prescrit. Cette information doit concerner l’entourage familial et/ou la personne de confiance.
Cette information, aussi claire et simple que possible, doit inclure le risque de diabète ou
Quels coûts ?
Il est important d’évaluer le coût des examens complémentaires, tout en connaissant le niveau socioéconomique des patients.
Voici en terme de coûts les paramètres physiques et biologiques (Tableau 6) :
Le dosage des deux paramètres biologiques obligatoires (glycémie et lipides) est pris en charge par la Sécurité sociale.
La responsabilité
Tout dépend de la juridiction et des lois qui diffèrent d’un pays à un autre. Mais plusieurs points communs peuvent être identifiés.
Qui doit pratiquer l’examen physique ?
Qui doit prescrire les examens biologiques de base ?
La mise en place d’un traitement est sous la responsabilité du médecin prescripteur. Il est donc nécessaire que le médecin prescripteur soit à l’origine des examens biologiques, aussi bien en bilan initial qu’en suivi. On doit surtout insister sur la collaboration étroite
Nécessité d’une approche globale
Plus que jamais, il faut insister sur le fait que la santé physique est à intégrer dans une prise en charge globale. La dimension psychiatrique prévalente des soins ne doit pas empêcher une évaluation physique initiale et régulière.
Conclusion
Les patients souffrant de pathologie mentale sévère ont des taux élevés d’anomalies métaboliques et un accès souvent limité aux soins médicaux généraux. Le dépistage et la surveillance de ces anomalies métaboliques doivent s’inscrire dans la pratique psychiatrique et inclure la recherche systématique des facteurs de risque primaires ainsi que le suivi des effets secondaires du traitement antipsychotique. L’évaluation de la balance bénéfice–risque doit se faire au sein d’une collaboration
Références (27)
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Neuroleptics and mortality in schizophrenia : prospective analysis of deaths in a French cohort of schizophrenic patients
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Physical consequences of schizophrenia and its treatment: the metabolic syndrome
Life Sci
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Antipsychotic-induced weight gain: a comprehensive research synthesis
Am J Psychiatry
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Consensus development conference on antipsychotic drugs and obesity and diabetes
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Minimising metabolic and cardiovascular risk in schizophrenia: diabetes, obesity, and dyslipidaemia
J Psychopharmacol
(2007) - et al.
Causes of the excess of mortality in schizophrenia
Br J Psychiatry
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Mortality in schizophrenic patients, 3 years follow-up of a cohort
Encéphale
(1999)
Prevalence of diabetes, metabolic syndrome and metabolic abnormalities in schizophrenia over the course of the illness: a cross-sectional study
Clin Pract Epidemol Ment Health
Cited by (79)
Psychiatric patients’ view of their somatic care in psychiatry: Survey and proposals
2023, Annales Medico-PsychologiquesManagement of metabolic disorders in people with psychiatric disorders. Almost everything remains to be done!
2022, Medecine des Maladies MetaboliquesComparison of mental-physical comorbidity, risk of death and mortality among patients with mental disorders — A retrospective cohort study
2021, Journal of Psychiatric ResearchCitation Excerpt :This mortality gap has widened in recent years, even in countries where the quality of the health care system is generally acknowledged to be good(Capasso et al., 2008; Osby et al., 2000; Robson and Gray 2007; Saha et al. 2007). Various educational modules, treatment guidelines as well as recommendations at the health care institution and individual levels have been disseminated to guide the management of comorbid physical illness among patients with mental disorders(De Hert et al., 2010; Heald et al., 2010; Maj 2009; Saravane et al., 2009). In general, patients with mental disorders need to be assessed at regular intervals for the risk factors of comorbid physical illness, especially for patients treated with antipsychotics, which may cause severe metabolic and cardiovascular adverse effects (American Diabetes Association, American Psychiatric Association, American Association of Clinical Endocrinologists, and North American Association for the Study of Obesity, 2004; De Hert et al., 2011).