Les maladies tropicales (2)L’infection à virus chikungunya dans l’océan Indien : quelles leçons ?The chikungunya virus infection in the indian Ocean : what lessons ?
Introduction
« Ce fut donc une épidémie sans précédent connu dans la littérature (médicale), qui fut le théâtre d’une crise sanitaire, sociale, économique et politique d’une ampleur exceptionnelle ». C’est en ces termes que Gilles Brücker, directeur de l’Institut national de veille sanitaire s’exprimait lors du premier colloque sur le chikungunya qui réunissait en décembre 2007, plus de 400 scientifiques à La Réunion [1]. Avec l’éradication du paludisme en 1979, La Réunion avait remisé ses racines africaines au fond de sa mémoire et ne retenait de son environnement tropical que son climat exceptionnel pour les bons côtés et les cyclones pour les moins heureux. Le rappel à la réalité géographique fut brutal car l’île malgré la modernité de ses installations sanitaires n’était pas prête à affronter une épidémie : lutte anti vectorielle uniquement centrée sur le contrôle des anophèles vecteurs du paludisme ; absence de méthodes modernes de diagnostic rapide des arboviroses avec dépendance étroite envers les centres nationaux de référence ; réputation de bénignité de l’infection à virus chikungunya démentie par la description locale de formes graves inédites ; retard de réaction des autorités locales et nationales ; fort ressentiment de la population y compris envers le corps médical…
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Le virus
La première épidémie de chikungunya (CHK) qui a été rapportée dans la littérature médicale est une épidémie de fièvre sur le plateau de Makonde dans la province du Newala, dans le sud du Tanganyika, l’actuelle Tanzanie, en 1952–1953 [2]. Le virus fut isolé dans le sang des malades pour la première fois au laboratoire d’Entebbé (Ouganda), à l’occasion de cette épidémie rurale massive. Le vecteur du virus (CHKV) était Aedes aegypti, le même que celui de la fièvre jaune et de la dengue, qui
L’infection à CHKV à La Réunion ou l’émergence de formes graves chez l’adulte [24]
À l’issu de l’épidémie qui a duré de mars 2005 à juillet-août 2006, une enquête de séroprévalence menée en population générale [25] sur un échantillon de 2 442 personnes a retrouvé 38,25 % de porteurs d’IgG anti-chikungunya. Ce pourcentage correspond à 300 000 cas sur une population de 800 000 habitants. Les pourcentages de formes asymptomatiques et de faux positif étaient 6 %. La répartition par sexe montrait 38,7 % de cas positifs chez les femmes et 37,7 % chez les hommes. La répartition par
Épidermolyse bulleuse chez l’enfant et CHK et dermatoses bulleuses [43]
À la suite de l’augmentation de l’incidence des éruptions bulleuses graves chez l’enfant, contemporaine du pic épidémique, une étude a été menée chez tous les enfants âgés de 1 mois à 18 ans qui présentaient une éruption bulleuse étendue, sur plus de 10 % de la surface corporelle selon l’échelle de Lund et Browder. Treize enfants (5 filles, 8 garçons), d’âge moyen 3,23 mois (1-5,5) ont été inclus, qui avaient présenté la même séquence : fièvre érythème, œdèmes des extrémités, bulles avec un
Des morts fœtales in utero
Parmi 1 296 grossesses suivies du 1er décembre 2005 au 28 février 2006 par le Groupe hospitalier Sud Réunion, ont été notées 23 pertes fœtales, dont 7 morts in utero (MIU) post infection à CHKV maternelles entre les semaines 12 et 18. Trois MIU ont été directement imputables au virus avec positivité de la RT-PCR chez le fœtus et négativité chez la mère.
Des répercussions sur la natalité en 2006
À La Réunion, le taux de natalité s’est stabilisé aux alentours de 19 ‰, un niveau qui se situe au-dessus de celui constaté en France
L’infection à CHKV à La Réunion et l’étude des manifestations rhumatologiques traînantes
Les arthropathies dues aux alphavirus et au CHK sont bien connues [55, 56, 57]. Pour ce qui est du CHK à La Réunion, plus de 30 % des patients présentaient des manifestations rhumatologiques, un an après l’épisode initial [58, 59, 60]. Dans le cadre d’un projet hospitalier de recherche clinique [1], une cohorte de 120 patients sans aucun antécédent rhumatismal antérieur à l’épidémie de CHK est suivie pour des douleurs articulaires persistantes depuis l’infection aiguë. Quatre-vingt-quinze
L’expérimentation animale
Deux modèles animaux sont utilisés : la souris [61] et le macaque (Macacus fascicularis) de l’île Maurice. Le modèle murin a permis de démontrer que l’infection par le CHKV est contrôlée par l’interféron de type I produit via RIG-I par des cellules non hématopoïétiques. La physiopathologie exacte des lésions neurologiques reste à définir mais une étude récente sur modèle murin a démontré que le virus infecte les fibroblastes des enveloppes musculaires et articulaires mais aussi les plexus
La prévention
Un vaccin vivant atténué a été développé à partir d’une souche thaïlandaise par le United States Army Medical Research Institute for Infectious Diseases [62]. Ce vaccin, abandonné en 2003 pour des raisons de réorientation des programmes de recherche après les attentats du 11 septembre 2001, a fait l’objet d’un début de requalification en France, sous l’égide de l’INSERM en juillet 2007, avant d’être de nouveau abandonné en 2008, bien que les essais menés sur Macacus fascicularis aient été
Le traitement
Il n’existe pas de traitement antiviral spécifique. Des essais cliniques menés à La Réunion, en population générale, ne permettent pas de conclure à l’efficacité de la chloroquine en raison des faibles effectifs étudiés en fin d’épidémie 2006 [3]. La chloroquine s’est également montrée inefficace sur le modèle animal (Macacus fascicularis) testé au CEA [66, 67]. Le traitement reste donc uniquement symptomatique : antalgiques non salicylés, dont le paracétamol en première intention,
Conclusion
Le CHK a été une maladie émergente à La Réunion, dans l’océan Indien, en Italie et dans le sud de la France en septembre 2010. Les formes cliniques émergentes graves ont été décrites qui ne permettent plus de retenir le caractère bénin de la maladie, notamment lorsqu’elle survient au sein d’une population immunologiquement naïve et dans des régions dotées de moyens médicaux modernes de diagnostic.
Dans le sud de l’Europe et en France métropolitaine (Alpes-Maritimes, Haute-Corse), A. albopictus
Déclaration d’intérêts
les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Références (69)
An epidemic of virus disease in Southern Province, Tanganyika Territory, in 1952–53. I. Clinical features
Trans R Soc Trop Med Hyg
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Chikungunya, an epidemic arbovirosis
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(2007) - et al.
Dual infection by chikungunya virus and other imported infectious agent in a traveller returning from India
Travel Med Infect Dis
(2008) - et al.
Development of a Taq Man® RT-PCR assay without RNA extraction step for the detection and quantification of African chikungunya viruses
J Virol Methods
(2005) - et al.
Neurological manifestations in chikungunya: about 23 cases collected in Reunion Island
Rev Neuron
(2009) - et al.
Ocular involvement associated with an epidemic outbreak of chikungunya virus infection
Am J Ophthalmol
(2007) - et al.
Ocular manifestations associated with chikungunya
Ophthalmology
(2008) Chikungunya infection in pregnancy: Evidence for intrauterine infection in pregnant women and vertical transmission in the parturient. Survey of the Reunion Island outbreak
J Gynecol Obstet Biol Reprod
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Chikungunya in paediatrics: epidemic of 2005–2006 in Saint-Denis, Reunion Island
Arch Pediatr
(2008) - et al.
Chimeric alphavirus vaccine candidates for chikungunya
Vaccine
(2008)